Si nous connaissons tous la péninsule Ibérique, son histoire ancienne demeure souvent dans l’ombre. La nouvelle exposition du musée des Antiquités de Bâle, conçue en collaboration avec le museu d’Arqueologia de Cataluyna à Barcelone, propose de nous introduire dans un monde lointain et pourtant si proche, celui des antiques Ibères.
Implantés le long de la côte méditerranéenne du VIe au Ier siècle avant notre ère, les Ibères font partie des onze « peuples » indo-européens et celtes de la péninsule Ibérique. Eux-mêmes se divisant en une grande diversité d’« ethnies », ils forment une mosaïque économique, culturelle, politique et religieuse dont on peine encore aujourd’hui à cerner les contours. Dans sa Géographie (III, 4, 13), Strabon note leur indépendance en les décrivant comme un peuple sauvage dispersé dans des bourgs fortifiés… Quelques-uns ont été fouillés depuis le XIXe siècle, dévoilant une population structurée, placée sous l’autorité d’élites locales et vivant des ressources agricoles et d’échanges commerciaux.
L’archéologie comme seule source
Riches en minerais (or, argent, fer, étain), les sous-sols font la prospérité de la région et attirent, dès la fin du IXe siècle avant notre ère, les Phéniciens puis les Grecs. Les Phocéens, fondateurs de Massalia, créent au début du VIe siècle avant notre ère un comptoir à Emporion (actuelle Empuries), sur la côte au nord-est de la péninsule. Cette rencontre avec des peuples commerçants enrichit le monde ibérique, qui connaît son apogée entre le Ve et le IIIe siècle avant notre ère. Les interactions sont aussi culturelles, comme en témoignent les vestiges de poteries importées et leurs copies, signe de nouvelles habitudes culinaires et sociales. Les dieux étrangers présents dans leur panthéon, comme la déesse grecque Déméter ou le dieu égyptien Bès, soulignent cette ouverture sur le monde.
La grâce et la beauté
Pour autant, la religion ibère demeure largement méconnue. Seuls les noms de quelques divinités, peut-être liées à la nature, à la fertilité ou à des forces symboliques, et deux petits temples, à Ullastret et Tivissa, nous sont parvenus. Des statues funéraires de femmes, particulièrement raffinées, comme les célèbres dames d’Elche ou de Baza (sur son trône, un petit oiseau dans la main) intriguent, tandis qu’une surprenante louve allaitante, un homme combattant un griffon et des taureaux demeurent des exemples artistiques de croyances et de récits mythiques qui nous échappent toujours… Au fil du parcours, se dévoile cette société antique grâce à des objets du quotidien (ex-voto, outils agricoles, artisanat, bijoux, armes) ou plus rares, comme le contenu du « trésor » de Tivissa. Probablement enterré au IIe siècle avant notre ère, découvert en 1927, il rassemble de magnifiques bijoux, de la vaisselle en argent, parfois dorée, reflétant les prouesses techniques des artisans antiques. Des œuvres qui irradient de grâce et de beauté éclairant l’histoire d’un peuple dont malheureusement nous ne pouvons pas encore déchiffrer les textes.
Maryvonne Chartier-Raymond
« Ibères »
Jusqu’au 26 mai 2024 au musée des Antiquités
5 rue Alban-Graben, 4010 Bâle (Suisse)
Tél. + 41 61 201 12 12
www.museenbasel.ch