L’état des connaissances sur un thème majeur de l’archéologie

Les spectacles de l’Antiquité romaine et leurs édifices

Acteurs préparant une représentation. Mosaïque découverte à Pompéi, Ier siècle. Naples, musée national d’Archéologie. © Bridgeman
Acteurs préparant une représentation. Mosaïque découverte à Pompéi, Ier siècle. Naples, musée national d’Archéologie. © Bridgeman

On pourrait croire que les spectacles de l’Antiquité romaine sont bien connus du grand public. Pourtant, des lieux communs et des confusions perdurent, tandis que les ouvrages de vulgarisation et les expositions dans ce domaine se sont souvent limités aux combats de gladiateurs. Le hors-série des Dossiers d’Archéologie, tout comme l’exposition de Lugdunum – Musée et théâtres romains à Lyon, offre une perspective plus large en abordant les autres grands divertissements publics de la Rome antique, notamment ceux des théâtres et des cirques.

On peut distinguer approximativement six grands types de spectacles dans l’Antiquité romaine. Premièrement, les courses de chars et autres compétitions hippiques qui seraient à Rome les divertissements les plus anciens, puisque les premières remonteraient à l’époque de Romulus, le fondateur mythique de la Ville au milieu du VIIIsiècle avant J.-C. La deuxième catégorie correspond aux représentations scéniques, dont l’apparition à Rome est plus tardive. Si des spectacles de danse sont relatés par des sources anciennes dès les années 360 avant J.-C., ce n’est qu’en 240 que le public romain a pu assister pour la première fois à une tragédie et à une comédie. D’autres genres théâtraux se sont par la suite épanouis à Rome. Durant l’époque républicaine (509-27 avant J.-C.), les spectacles des théâtres, comme ceux des cirques, se déroulaient généralement dans le cadre des jeux publics (ludi publici), des festivités qui duraient plusieurs jours et étaient organisées en l’honneur d’une divinité chaque année par des magistrats. C’est pourquoi on parle aussi de jeux du cirque (ludi circenses) et de jeux scéniques (ludi scaenici).

Jeux du cirque et jeux scéniques

Au regard des calendriers qui nous sont parvenus, ces distractions étaient plus fréquentes dans l’année que les fameux combats de gladiateurs, dont les premiers eurent lieu à Rome en 264 avant J.-C. Ils ne faisaient pas partie du programme des jeux publics stricto sensu, puisqu’ils étaient donnés, du moins jusqu’à l’époque augustéenne (27 avant J.-C.-14 après J.-C.), à titre privé, dans un cadre funéraire, afin d’honorer la mémoire d’un défunt. Viennent ensuite les chasses, dites venationes en latin, qui prenaient diverses formes : combats entre des hommes et des animaux ou entre des bêtes seulement, présentations d’espèces rares, numéros de dressage… À Rome, les premières exhibitions d’animaux dateraient du IIIe siècle avant J.-C. À cela s’ajoutaient des compétitions gymniques ou athlétiques : courses à pied, lancers (de disque ou de javelot), sauts et sports de combat (lutte, pancrace et pugilat). Le pugilat, la lutte et la course à pied auraient fait partie très tôt du programme des jeux du cirque à Rome, dès le VIe siècle avant J.-C. probablement. Mentionnons enfin les spectacles aquatiques : chasses avec des animaux marins, mimes et ballets dans des bassins, sans oublier les reconstitutions de batailles navales, dites naumachies, dont la première à Rome se produisit en 46 avant J.-C. Cependant, ces dernières n’étaient données vraisemblablement qu’en des circonstances exceptionnelles, du moins jusqu’à la fin du Ier siècle après J.-C.

Les principaux types d’édifices

On trouve dans le monde romain cinq grands types de bâtiments voués aux spectacles, à savoir le cirque, le théâtre, l’amphithéâtre, le stade et l’odéon. En ce qui concerne les cirques tout d’abord, le plus ancien et le plus grand d’entre eux est le Circus Maximus à Rome. Ses premiers aménagements remonteraient à la fin du VIIe ou au courant du VIe siècle avant J.-C. Il a été maintes fois restauré et agrandi au cours de sa longue histoire (des courses s’y déroulaient encore au milieu du VIe siècle après J.-C. selon certaines sources). Il aurait comporté entre 200 000 et 225 000 places au début du IIe siècle après J.-C., ce qui en faisait vraisemblablement le plus grand monument de spectacle de l’Empire romain, toutes catégories confondues. Outre les compétitions hippiques et gymniques, le Circus Maximus accueillait aussi des chasses. D’autres cirques nous sont connus également dans les provinces de l’Empire, comme à Lyon, Arles, Tarragone, Carthage ou encore Leptis Magna, mais les bâtiments de ce type demeurent toutefois moins nombreux que les théâtres et les amphithéâtres. Le premier théâtre permanent à Rome ne date que de 55 avant J.-C. – il s’agit de celui de Pompée –, ce qui semble assez tardif par comparaison avec certaines villes du sud de l’Italie qui se dotèrent d’un théâtre dès le IIe siècle, parfois même dès la fin du IIIe siècle avant J.-C. Avec ses quelque 20 000 spectateurs, celui de Pompée était l’un des plus grands du monde romain. Jusqu’à cette date, les jeux scéniques prenaient place dans des structures provisoires. De même, le premier amphithéâtre permanent ne fut érigé à Rome qu’en 29 avant J.-C., alors que des villes du sud de l’Italie, comme Pouzzoles ou Capoue, possédaient des constructions de ce type depuis la fin du IIe siècle avant J.-C. Le plus grand et le plus connu d’entre eux, l’amphithéâtre Flavien, qui prit au Moyen Âge le surnom de Colisée, fut inauguré en 80 après J.-C. Il aurait compté environ 50 000 places. Les amphithéâtres étaient voués d’ordinaire aux combats de gladiateurs et aux chasses. En revanche, très peu d’entre eux pouvaient être inondés pour organiser des combats navals, contrairement à une idée reçue. Cela dit, à Rome, Jules César en 46 avant J.-C., puis les empereurs Auguste, Domitien (81-96) et Trajan (98-117) firent aménager spécialement des bassins pour des divertissements aquatiques.

Le Circus Maximus, dans la seconde moitié du IVe siècle après J.-C. (détail). Aquarelle Jean-Claude Golvin. Musée départemental Arles Antique. © J.-C. Golvin / Éditions Errance
Le Circus Maximus, dans la seconde moitié du IVe siècle après J.-C. (détail). Aquarelle Jean-Claude Golvin. Musée départemental Arles Antique. © J.-C. Golvin / Éditions Errance

Stades et odéons

Le stade est certes un édifice d’origine grecque, mais on en trouve divers exemples dans l’Empire romain, dont plusieurs datent d’ailleurs de l’époque romaine. Les stades sont restés toutefois assez peu nombreux dans la moitié occidentale de l’Empire. L’empereur Domitien en fit construire un à Rome à l’emplacement de l’actuelle place Navone. Sa capacité est évaluée à 30 000 places et il servait surtout pour les concours athlétiques. Toutefois, des chasses et des combats de gladiateurs y auraient eu lieu, mais de manière très exceptionnelle et moyennant sans doute quelques aménagements. Domitien fit également ériger à proximité de ce stade un odéon qui aurait compté près de 11 000 places, encore que ce chiffre soit discuté par les archéologues. D’autres villes dans l’Empire possédaient aussi des odéons, que ce soit dans la moitié occidentale (Lyon, Pompéi, Carthage…) ou orientale (Athènes, Corinthe…). Ils étaient généralement utilisés pour y organiser des concours musicaux, ce qui semble avoir été principalement le cas à Rome, mais ils pouvaient aussi servir pour des conférences, des procès, des assemblées politiques ou encore des lectures publiques.

En 59 après J.-C., une rixe oppose les habitants de Pompéi à ceux de Nucérie à l’occasion de combats de gladiateurs à l’amphithéâtre. Fresque de Pompéi, Ier siècle. Naples, musée national d’Archéologie. © R. Bencini / Bridgeman
En 59 après J.-C., une rixe oppose les habitants de Pompéi à ceux de Nucérie à l’occasion de combats de gladiateurs à l’amphithéâtre. Fresque de Pompéi, Ier siècle. Naples, musée national d’Archéologie. © R. Bencini / Bridgeman

Sylvain Forichon
Institut Ausonius / Institut de recherche sur l’architecture antique


Article à retrouver en intégralité dans :
Dossiers d’Archéologie n° 413
80 p., 12 €.
À commander sur : www.dossiers-archeologie.com

Catalogue, Spectaculaire ! Le divertissement chez les romains, 2022, 128 p., 39 €.
À commander sur : www.librairie-archeologique.com

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