Depuis les années 1960, la villa gallo-romaine de La Millière, aux Mesnuls dans les Yvelines, est connue pour ses exceptionnelles peintures murales. En 2010, le décès de son découvreur et propriétaire, François Zuber, a mis en péril cette collection unique. Un appel à dons pour son rachat, en accord avec les ayants-droits, a permis, en 2015 et 2016, de préserver ce patrimoine. Depuis 2020, grâce au soutien des différents services de l’État et au mécénat de la Fondation Crédit Agricole Pays de France ainsi que du Crédit Agricole Île-de-France Mécénat, le site archéologique et son décor orné ont fait l’objet de nouvelles études ; à terme, une partie de ce dernier devrait être exposée au musée d’Archéologie nationale et l’ensemble des résultats faire l’objet d’une publication. Visite guidée au cœur de ce lieu de prestige.
Situées à l’orée nord-est de la forêt de Rambouillet, les ruines de la villa sont implantées en contrebas d’une pente, légèrement en hauteur par rapport à la vallée.
Un site, une villa
À 400 mètres à l’ouest, passe une voie romaine considérée comme reliant Chartres à Poissy, connue aujourd’hui sous le toponyme « Chemin Ferré » et desservant le vicus de la Diodurum antique de Jouars-Pontchartrain. Initialement privé, ce terrain est aujourd’hui propriété de l’Office national des forêts. La fouille programmée, engagée de 1964 à 1980, tout d’abord sous la responsabilité de deux amateurs, Michel Le Bourdelle (1964 à 1969), puis François Zuber (1977 à 1980), a concerné un unique bâtiment (pars urbana ou résidentielle), remarquable en raison de son riche décor peint. Le bâtiment, construit en pierre meulière sur un socle à caissons encastré dans la colline, est constitué de sept pièces précédées d’une galerie de façade ouvrant au nord. D’après la géographie du lieu, l’observation de couvertures photographiques aériennes et d’une image LiDAR réalisée en 2022, la pars rustica (ou agricole) semble, elle, se développer en contrebas, vers le nord.
Innovations
Le site de La Millière a été source d’innovations techniques concernant les méthodes de l’archéologie pour le prélèvement des enduits peints effondrés et encore en place. Si ces innovations se sont révélées parfois néfastes, les fouilleurs ont toutefois eu à cœur de récupérer systématiquement les enduits effondrés, fragmentaires ou non. Même si la villa n’a pas bénéficié d’une approche stratigraphique et spatiale telle qu’on la mènerait aujourd’hui, avec un enregistrement adéquat, les opérations ont été conduites avec constance (tant pour le ramassage du mobilier que pour l’observation des contextes) et de nombreuses informations relevées et notées. Les cahiers de fouille laissés par François Zuber témoignent de ce travail souvent très précis. Sur la base des études des mobiliers, le site présente une occupation datée au moins du début du Ier siècle de notre ère pour une première phase (seules quelques bribes sont présentes), au IIIe siècle. Le bâtiment fouillé peut, quant à lui, être daté du début du IIe siècle.
Itinéraire d’une collection
La création par François Zuber, dans les années 1980, d’une association, l’AVGRM (Association pour la villa gallo-romaine de La Millière), a permis à une équipe de bénévoles d’engager le remontage et la restitution des principaux décors du bâtiment antique. Un travail qu’il faut aujourd’hui saluer. Mais, faute de locaux pérennes, une perte non quantifiable de mobiliers a été engendrée. Au décès de Zuber, l’ensemble des collections archéologiques, dont il était le propriétaire par donation, est revenu à ses ayants-droits, lesquels, après diverses tentatives infructueuses de donation ou de dation auprès de l’État ou du département des Yvelines, ont décidé de le mettre en vente. Une association locale, l’ADRACHME (Association de recherches archéologiques et de conservation historique du canton de Montfort l’Amaury et son environnement), informée de ce projet, a alors décidé, avec le concours d’une action de mécénat, de racheter la collection afin qu’elle demeure une pièce du patrimoine national. Quelque 300 donateurs se sont mobilisés et se partagent donc cette réussite.
Nouvelles données inédites
Le rachat des fresques de La Millière ne pouvait s’envisager que comme une étape dans un processus de continuité du travail engagé durant des années par François Zuber et son équipe. Afin de répondre au souhait du musée d’Archéologie nationale de pouvoir présenter dans ses collections gallo-romaines, en cours de refonte muséographique, les fresques de la villa, une reprise complète de l’étude des vestiges mobiliers et sur le terrain est apparue indispensable. Dans cette optique, un projet de Programme collectif de recherche (PCR) sur trois années (2020-2023) a été initié afin de réviser l’ensemble du dossier. En parallèle à l’étude des décors engagée par les toïchographologues du Centre d’étude des peintures murales romaines de Soissons, le re-dégagement complet des vestiges conservés sous le couvert forestier a été mené en 2021 et 2022. Relevés topographiques et orthophotogrammétriques systématiques permettent aujourd’hui de disposer d’une documentation exhaustive. De nouvelles données inédites ont été récoltées, avec en particulier la reconnaissance d’une probable phase d’aménagement ou de construction au Ier siècle, d’une intense récupération du site, qui semble abandonné, vers la fin du IIIe siècle, voire au début du IVe siècle, ainsi que des témoins d’occupations d’époque mérovingienne (lors de la mise en carrière du bâtiment ?) ou plus récentes encore, des XIIIe et XIVe siècles. La conservation partielle, jusqu’à cette période, de l’édifice antique en partie réaménagé, est envisagée. La restitution de son architecture a également été possible grâce aux vestiges lapidaires retrouvés.
Olivier Blin, Inrap, UMR 7041 du CNRS, et Sabine Groetembril, CEPMR, UMR 8546 du CNRS/ENS
À retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 630 (avril 2024)
Pompéi renaît de ses cendres
81 p., 11 €.
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