Le musée archéologique départemental du Val-d’Oise (MADVO) est l’invité, en décembre et janvier, du musée d’Archéologie nationale. L’objet ambassadeur du MADVO présenté au public est récent : il date de 1937 et est fait de mortier de ciment. Pourtant, ce visage de femme constitue bel et bien un objet archéologique.
L’Exposition universelle de 1937 eut lieu à Paris du 25 mai au 25 novembre. Chaque pays représenté devait y montrer ce qu’il accomplissait de mieux dans le domaine « des arts et des techniques appliqués à la vie moderne ».
Monuments de l’Exposition universelle
Dans la perspective du palais de Chaillot vers la tour Eiffel, côté est, le pavillon de l’Allemagne hitlérienne, surmonté d’un aigle, faisait face, tel un rempart, au pavillon soviétique dominé par un couple en plein élan, l’ouvrier et la kolkhozienne croisant la faucille et le marteau, statue d’acier haute de 24 mètres due à Vera Moukhina (1889-1953). Écrasant et typique de l’architecture stalinienne, le pavillon soviétique était précédé d’un massif haut de 34 mètres, large de 21 mètres, et se prolongeait sur 160 mètres. Délimitant l’espace conduisant aux portes du pavillon, deux petits massifs parallèles formaient des propylées, longs de 15 mètres, larges et hauts de 4 mètres. Ils étaient recouverts de personnages figurés en relief, moulés dans un mortier de ciment renforcé d’éléments en fer, une œuvre du sculpteur juif ukrainien Joseph Moiseevitch Tchaïkov (1888-1979).
Sport, musique, danse…
Sur chacun des massifs, alternant avec les emblèmes des onze républiques de l’URSS de Staline, des hommes et des femmes de chaque nationalité illustraient diverses activités, de travail ou de loisir, parfois en costumes traditionnels. Sur le petit côté avant du massif de gauche, le thème du sport était représenté. Le visage exposé au musée d’Archéologie nationale appartient au petit côté de droite, celui dédié à la musique et à la danse. Au centre on voyait un couple de danseurs et à gauche des musiciens dominés par un violoniste. Le visage joyeux prêté par le MADVO était celui d’une des femmes souriantes qui, à droite, frappaient dans leurs mains en chantant.
Les peuples de l’URSS dans les oubliettes de l’histoire ?
À la fin de l’Exposition universelle, le pavillon soviétique est démantelé. L’ouvrier et la kolkhozienne rejoignent Moscou, mais les propylées sont offerts aux métallos parisiens de la CGT. L’Union syndicale des travailleurs de la métallurgie compte alors près de 200 000 adhérents et gère un réseau d’établissements chargés de la santé, de la formation et des loisirs. À 20 kilomètres au nord de Paris dans le Val-d’Oise, le château de Baillet-en-France, acheté en avril 1937, est ainsi transformé en centre de vacances pour les familles ouvrières. Dans le parc du château, la CGT décide d’installer le cadeau fait par l’URSS. Sur les cartes postales, on voit le massif remonté figurant des sportifs, avec le château en perspective. Le 26 septembre 1939, en conséquence de la signature du pacte germano-soviétique, de l’invasion de la Pologne et de la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne, les biens des organisations communistes sont confisqués et le château de Baillet est transformé en centre de détention des militants communistes arrêtés. Le régime de Vichy en fait ensuite un « Centre rural de la jeunesse de France », dont l’une des activités, dès l’invasion allemande de l’URSS en juin 1941, sera de démolir le monument soviétique à coups de masses.
Daniel Roger
Conservateur général du patrimoine, responsable de la politique scientifique et des collections, musée d’Archéologie nationale – Domaine national de Saint-Germain-en-Laye
Article à retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 626 (décembre 2023)
Splendeur des collections antiques du Louvre
81 p., 11 €.
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