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L’origine de la peste noire

© Éric Le Brun
La marmotte, premier hôte de Yersinia pestis. © Éric Le Brun

Des nouvelles analyses ADN sur des dents humaines ont permis de retrouver le lieu d’où serait partie la sinistre pandémie médiévale : les bords d’un lac du Kirghizistan, en Asie centrale.

La peste. Rien que le nom fait encore frémir, bien qu’aujourd’hui de simples antibiotiques suffisent à la guérir. Beaucoup d’épidémies lui sont associées, souvent à tort – la fameuse « peste d’Athènes » qui tua Périclès fut probablement une vague de typhus. Il en est cependant une qui flotte encore dans notre imaginaire : la terrible peste noire, qui tua un européen sur trois entre 1346 et 1353, et qui se propageait par les puces du rat noir, infestées par la bactérie Yersinia pestis. Lors de nos pandémies actuelles, les scientifiques recherchent, sinon le patient zéro, du moins le foyer d’infection. La collecte de telles informations, rendue possible par les facilités modernes, semblait hors d’atteinte pour les périodes plus anciennes, a fortiori pour le Moyen Âge. C’est pourtant ce qu’a réussi à accomplir une équipe internationale, dont le fruit des investigations vient d’être publié. L’ADN de restes humains provenant de deux cimetières situés à proximité du lac Issyk-Kul, dans l’actuel Kirghizistan, a été analysé. Une trentaine de tombes, datées entre 1338 et 1339, était surmontée de pierres tombales mentionnant la cause du décès : « pestilence ». Sept défunts ont été mis à contribution. On a extrait, des dents de trois d’entre eux, de l’ADN d’une version ancienne de Yersinia pestis, ce qui a permis de reconstituer, par comparaison avec des souches plus récentes, une généalogie de la diffusion de la bactérie, et par conséquent de la maladie.

De la marmotte à l’Homme

Il ne s’agit pourtant pas de la forme la plus ancienne. Une première vague épidémique eut pour origine un foyer plus à l’est, dans la région de la chaîne de montagnes du Tian Shan, au nord-ouest de la Chine, dans ce qui était autrefois l’empire mongol. Des conditions climatiques particulières (de grands écarts de température et de fortes précipitations) auraient entraîné la diminution de la population de marmottes (premier hôte de Yersinia pestis) et donc son passage vers l’Homme (la bactérie cherchant de nouvelles victimes : c’est le mécanisme bien connu de la zoocénose, par qui le virus de la Covid passa de la chauve-souris à l’humain). Ce transfert déclencha la première épidémie de 1338-1339. Quatre souches plus virulentes émergeront ensuite. L’une d’entre elles, huit ans plus tard, déclenchera une nouvelle vague qui allait se répandre de par le monde via les guerres et la route de la Soie. Elle tuera le tiers de la population européenne et reviendra environ tous les dix ans jusqu’en 1670.

Jacques Daniel


Pour en savoir plus :
PERINO L., 2021, Patients zéro. Histoires inversées de la médecine, Paris, éditions La Découverte.
SPYROU M. A. et Al., 2022, « The source of the Black Death in fourteenth-century central Eurasia », Nature, 606, p.718-724. https://doi.org/10.1038/s41586-022-04800-3

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