Située au cœur du canal du Mozambique, dans l’océan Indien, l’île de Mayotte témoigne d’un riche patrimoine historique au carrefour des cultures bantoues et austronésiennes. La fouille de la mosquée ancienne de Tsingoni, menée par une équipe d’archéologues de l’Inrap, a révélé de nombreuses découvertes inattendues. Emblématique du patrimoine mahorais, cet édifice est en cours de restauration après son classement au titre des Monuments historiques en 2015.
Localisée sur la côte ouest, la commune de Tsingoni surplombe la baie du même nom et le lagon. Dans le cadre d’un projet de restauration et de valorisation du monument, la fouille préventive de la mosquée, menée du 3 juillet au 15 septembre 2023, sur une emprise de 285 m2, portait tant sur les vestiges bâtis que sur ceux enfouis. Son objectif était de comprendre la genèse et l’évolution de ce bâtiment emblématique, en s’attachant à déterminer la chronologie de l’occupation. Les investigations réalisées sur les abords de la mosquée ont permis de mettre au jour une partie de l’espace funéraire qui jouxte l’édifice.
La mosquée de la capitale du sultanat de Mayotte
Le diagnostic, prescrit par le préfet de Mayotte et mené par l’Inrap en 2016, a livré des traces d’occupation dès les XIIIe et XIVe siècles. La première mosquée en pierre pourrait ainsi être antérieure au XVe siècle. Cet édifice était certainement composé d’une salle unique, sans minaret, semblable aux mosquées swahilies connues dans l’archipel des Comores et sur la côte est-africaine. À partir du XVIe siècle, le village de Tsingoni connaît un essor considérable et devient la capitale du sultanat de Mayotte. La mosquée voit alors ses premières transformations majeures avec un agrandissement et une monumentalisation du bâti initial ; elle se développe avec l’adjonction de deux couloirs latéraux et d’une salle au sud. Deux piliers massifs sont également construits dans la salle de prière.
Un mihrab en corail pur
La mosquée est alors dotée d’un mihrab (la niche pratiquée dans le mur d’une mosquée et orientée vers la Mecque) monumental, construit intégralement en blocs de corail pur. Sa mise en place est datée de la première moitié du XVIe siècle. En effet, deux bas-reliefs sculptés, en caractères arabes, découverts sur le mihrab indiquent la date du 14 avril 1538. Puis, au cours des quatre siècles qui suivent, la mosquée subit de nombreux remaniements structurels, tant au niveau des sols que des murs, avec la création de nouvelles ouvertures et des agrandissements.
Justine Saadi
Inrap
À retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 629 (mars 2024)
Pour une archéologie de la forêt
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