
Ouvert depuis un an et demi, Narbo Via a déjà accueilli 250 000 visiteurs dans un édifice réalisé par la prestigieuse agence britannique Foster+Partners et entièrement consacré à la ville antique.
Au départ de cette initiative de bâtir un nouveau musée à Narbonne, un constat : la première colonie romaine hors d’Italie, également capitale et carrefour stratégique de la Méditerranée occidentale, n’avait pas son musée dédié, à la différence de Nîmes ou Arles. Moyens et ambitions, principalement portés par la région Occitanie, ont ensuite accompagné sa réalisation. Le projet architectural a été confié à l’agence Foster+Partners, fondée par l’architecte Norman Foster, à l’origine du Millenium Bridge et de l’Hôtel de Ville à Londres, du Shangri-La Hotel à New York, du palais du Reichstag à Berlin ou encore, en Occitanie, du Carré d’Art à Nîmes et du viaduc de Millau. Une signature prestigieuse donc, en outre associée au scénographe Adrien Gardère, qui a notamment œuvré au Louvre-Lens et au musée de Cluny.
Cinq années de travaux
Démarré en 2015, le chantier du musée s’est achevé après plus de cinq ans de travaux et a ouvert au public au printemps 2021. Et le résultat est à la hauteur des ambitions. Parfaitement adapté à son environnement, le bâtiment résiste aux vents forts de la région par son plan horizontal et protège de la chaleur et de l’ensoleillement grâce à la technique du béton structurel stratifié, un procédé canadien inventé en 1992 et jusque-là inédit en Europe. Ce béton est obtenu à partir d’un mélange de terres locales, sable, agrégats, oxydes jaunes et ciment malaxé avec très peu d’eau directement sur le chantier, ce qui lui donne un aspect de terre. Il est mis en œuvre par couches successives, écho direct à la stratigraphie de l’archéologue. Enfin, l’isolation du bâtiment garantit une faible consommation énergétique et un système de ventilation associé à de hauts plafonds assure le refroidissement naturel du musée. Le contexte actuel montre que cette attention à tous les aspects de la construction, dont n’ont pas bénéficié nombres d’espaces muséaux y compris très récents, sont loin d’être anecdotiques. Dans le prolongement de l’édifice, des jardins descendent en gradins jusqu’à la Robine. Ils ont été conçus en collaboration avec l’Institut national de la recherche agronomique et réunissent des plantes méditerranéennes, résistantes à la chaleur et à la sécheresse : cistes de Montpellier, lavandins, euphorbes, thym, mais aussi pieds de vigne anciens ou résistants aux changements climatiques, comme les cépages Barbera d’Italie ou Marroquin du Maroc, aujourd’hui cultivés dans les pays du sud de la Méditerranée.

Narbo Martius à l’honneur
Comment constituer les collections d’un nouveau musée ? Cela a été le second défi du projet qui réunit désormais 7 000 pièces antiques découvertes à Narbonne et alentour, dont près de 1 300 exposées dans un parcours permanent de 2 600 m². Pour l’essentiel, la collection est constituée de dépôts aux origines diverses : collection du musée lapidaire situé dans l’église Notre-Dame de Lamourguier et fermé en 2018 ; collection antique du musée-palais des Archevêques ; objets provenant de fouilles récentes : ports antiques de Narbonne, Gruissan, Port-la-Nautique, Mandirac, nécropole des berges de la Robine, ou enduits peints et mosaïques des maisons romaines du Clos de la Lombarde. Élément central et spectaculaire du musée, un mur monumental long de 76 mètres et composé de 760 blocs de pierre répartis sur deux rangées, issus pour la plupart des nécropoles antiques, ouvre le parcours des collections. Pensée comme la « colonne vertébrale » du musée, cette « galerie lapidaire », souvenir de l’ancien musée municipal, est pourvue d’un dispositif automatisé original, permettant de mouvoir les blocs au moyen d’un bras de levage robotisé et de les rendre ainsi accessibles aux scientifiques qui les étudient, mais aussi de les faire admirer au public qui assiste, ébahi, au ballet du robot déplaçant les sculptures. Le parcours se poursuit avec des espaces dédiés aux origines de la colonie, à son développement, et se clôt par l’évolution de la cité vers le christianisme jusqu’à l’invasion des Wisigoths (IVe -Ve siècles). Une section immersive permet aux visiteurs de plonger dans le luxe des domus fouillées dans le quartier du Clos de la Lombarde à partir de 1973. Enfin, des dispositifs numériques ponctuent régulièrement la visite, proposant en particulier des restitutions, comme celle du « capitole » de la colonie.

Ludivine Péchoux

Pour aller plus loin :
Dossiers d’Archéologie n° 414
Narbonne, antique et médiévale
80 p., 12 €.
À commander sur : www.dossiers-archeologie.com