Découverte en 1991, dans l’actuel glacier de Hauslabjoch, en territoire italien, la momie d’Ötzi est la plus ancienne d’humain conservée. Une nouvelle analyse du génome de ce chasseur du Néolithique final (entre 3350 et 3120 avant notre ère) modifie complètement ce que nous pensions savoir de ses origines et de son apparence.
L’équipement de ce malheureux, que l’on pensait autrefois égaré dans la montagne et mort dans son sommeil, fait le bonheur des archéologues : cape en fibres végétales, vêtements en cuir, briquet, flèches, arc, carquois… La découverte d’une pointe de flèche dans son corps, qui perça l’artère subclavière, a démontré qu’il avait été assassiné. On remarqua alors que ses flèches n’étaient pas terminées, en tout cas qu’il ne les avait pas retaillées pour s’en servir de nouveau. Parce qu’il était en fuite ? Était-il une victime ? Ou un meurtrier puni par ses poursuivants ? Rappelons que rien n’indique aujourd’hui que l’endroit où il a été retrouvé est celui où il est mort, et que l’hypothèse d’un dépôt funéraire n’est toujours pas à exclure…
Sur la piste de l’ADN
Quoi qu’il en soit, chaque nouvelle analyse précise son portrait-robot. Nous savons quel fut son dernier repas (du bouquetin), de quel endroit il venait (d’une vallée tyrolienne à 20 kilomètres de là), qu’il vivait ou travaillait à proximité d’une forge (présence d’arsenic dans ses rares cheveux)… Mais quelle était son apparence physique et qui étaient ses ancêtres ? C’est là qu’intervient une passionnante recherche, fondée sur une nouvelle analyse de son génome, justifiée par l’accroissement spectaculaire des bases de données comparatives depuis quelques années. Il a fallu d’abord identifier les ADN modernes (rappelons qu’Ötzi fut d’abord identifié comme un randonneur accidenté et manipulé sans précaution) pour les écarter. Résultat : contrairement aux reconstitutions actuelles qui le montrent blanc et barbu comme un hippie des années 1970, il avait la peau sombre et le crâne dégarni. Plus intéressant, il descendait en droite ligne de fermiers néolithiques venus du Proche-Orient, métissés en partie avec des chasseurs-cueilleurs locaux. En revanche, aucun lien avec les populations de culture dite rubanée venues par la vallée du Rhin, ni avec les colons des steppes pontiques (les fameux « Yamnas »). Ce qui semble indiquer que l’endroit où il vivait (le sud des Alpes) était relativement isolé des voies de communication de son époque et que la population européenne était plus variée que ce que l’on supposait jusqu’à aujourd’hui.
Jacques Daniel
WANG K. et al., 2023, « High-coverage genome of the Tyrolean Iceman reveals unusually high Anatolian farmer ancestry », Cell Genomics, 3, 100377. Doi : 10.1016/j.xgen.2023.100377