
À quelque 8 000 kilomètres d’ici, la civilisation maya révèle son lot de découvertes. En ce début d’année 2023, nous avons sélectionné trois articles scientifiques qui permettent de dresser un état des lieux de la recherche archéologique mayaniste.
La civilisation maya s’étend sur une aire de 340 000 km2 qui comprend le sud-est du Mexique, le Guatemala, le Bélize, l’ouest du Honduras et du Salvador. On divise souvent sa chronologie en trois grandes phases : le préclassique (de 1200 avant notre ère à 250 de notre ère), le classique (250-900) et enfin le postclassique (de 900 à la conquête espagnole). Si de grands noms comme Takeshi Inomata, Dominique Michelet, Yvan Šprajc ou encore David Stuart en sont les spécialistes, c’est sans doute parce qu’elle offre une incroyable diversité de sujets de recherche.
Les révélations du LiDAR
Dernièrement, la couverture LiDAR (balayage laser aérien) dans le bassin de Mirador-Calakmul (nord du Peten, Guatemala) a révélé plus de 775 groupements architecturaux, dont 581 inédits. On observe aussi de nombreuses installations logistiques comme des réservoirs, des terrasses ou encore des chaussées (sacbe en maya) dans et entre les sites. Pas moins de 177 kilomètres de chaussées surélevées ont été identifiés. Si la plupart rallie Mirador, ces structures montrent aussi une unification d’au moins 417 sites. Cela suggère une centralisation administrative et des investissements importants en main-d’œuvre ainsi qu’une capacité organisationnelle et de gouvernance de la part des élites politiques. Cette étude permet à Richard Hansen, l’auteur de l’article, de mener un travail de catégorisation des sites selon la taille et les structures que l’on y trouve. L’article remet aussi en question la notion d’occupation humaine dans cette région au préclassique. En effet, dès cette époque, elle montre qu’il existait un pouvoir économique, politique et social unifié qui a permis de former un réseau de sites contemporains, soudés ensemble par ce réseau de chaussées.
Architecture et calendrier
D’autres chercheurs, comme Ivan Šprajc, utilisent le LiDAR pour étudier les orientations des complexes cérémoniels de la côte sud du golfe. Les études archéoastronomiques ont démontré que les édifices étaient largement orientés vers les levers ou couchers du soleil à des dates précises. Les intervalles intermédiaires ont tendance à être des multiples de 13 et 20 jours, indiquant une relation avec le calendrier solaire mésoaméricain de 260 jours et ses périodes constitutives de 13 et 20 jours. Le LiDAR a balayé une zone de 84 516 km2 qui a révélé 33 935 complexes architecturaux, dont 478 structures de la période préclassique, comme Aguada Fénix. Pour Šprajc, les orientations et les formes de ces complexes ont été conçues avant le début de leur construction, indiquant ainsi une volonté de suivre la base du calendrier solaire. 415 complexes de la période préclassique et classique ont été étudiés. La plupart d’entre eux, datant probablement de 1100 à 750 avant notre ère, ont une orientation correspondant au lever du soleil s’échelonnant sur 260 jours, ce qui représenterait la première preuve du cycle solaire des Mayas. D’autres suggèrent une orientation vers Vénus ou la Lune, la première étant la manifestation de la pluie, du maïs et de la fertilité, la deuxième étant associée à la terre, l’eau et également la fertilité. Ces orientations volontaires permettaient aux prêtres et élites de prédire les dates de rituels, quelles que soient les conditions météorologiques. Les résultats de Šprajc s’accordent bien avec les observations déjà réalisées sur le lien entre les constructions monumentales mayas, l’orientation astronomique et le calendrier agricole. Par exemple, l’importance des directions solsticiales se répète dans les différentes constructions, comme les groupes E du site d’Uaxactun (Guatemala). Cet article met ainsi en évidence l’utilisation d’une caractéristique culturelle unique en Mésoamérique : le calendrier de 260 jours, dès 1100 à 750 avant notre ère.
Variations climatiques
Enfin, l’article de Mark Collard, qui a voulu étudier l’impact du changement climatique sur les conflits mayas durant la période classique, nous offre un nouvel axe de réflexion sur le dérèglement climatique actuel. Questionnant l’impact des variations climatiques sur le comportement belliqueux maya, il a étudié quatre variables : le nombre de conflits par an (en prenant en compte la violence rétributive), le nombre de monuments érigés chaque année possédant des inscriptions sur les conflits, l’enregistrement de la variation des précipitations et la reconstitution de la température. Ces résultats suggèrent que l’augmentation des conflits entre les Mayas a été influencée par la croissance de la température. En effet, le rendement du maïs diminue de 1 % par jour lorsque les températures dépassent 30°C. Ce déficit en production agricole aurait exacerbé les conflits régionaux et précipité la crise de l’élite maya. Afin de rétablir leur légitimité, les élites étaient contraintes de déclarer des guerres. À cela s’ajoute l’augmentation de la densité de population, la volonté de contrôler ces ressources ou encore l’obligation d’alliances stratégiques.
Clément Goullin
Mayaniste de l’Agence Archéologique
Pour aller plus loin :
COLLARD M. et al., 2021, « Rainfall, temperature, and Classic Maya conflict: A comparison of hypotheses using Bayesian time-series analysis », PLoS ONE. Doi: 10.1371/journal.pone.0253043
HANSEN R. et al., 2022, « LiDAR analyses in the contiguous Mirador-Calakmul Karst Basin, Guatemala: An introduction to new perspectives on regional early Maya socioeconomic and political organization », Ancient Mesoamerica, 1-40. Doi: 10.1017/S0956536122000244
ŠPRAJC I. et al., 2023, « Origins of Mesoamerican astronomy and calendar: Evidence from the Olmec and Maya regions », Science Advances, vol 9. Doi: 10.1126/sciadv.abq7675