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Puissants arts de la Préhistoire au musée de l’Homme

Panneau des chevaux dans la Salle Hillaire au cœur de la grotte Chauvet. © J. Clottes, Centre National de la Préhistoire, Ministère de la Culture
Panneau des chevaux dans la Salle Hillaire au cœur de la grotte Chauvet. © J. Clottes, Centre National de la Préhistoire, Ministère de la Culture

C’est toute une saison que le musée de l’Homme a décidé de consacrer ces prochains mois à la préhistoire. Ainsi, l’exposition « Arts et Préhistoire » revient au fil de 97 pièces originales et des centaines d’images numériques de peintures et gravures, issues du patrimoine mondial, sur des dizaines de milliers d’années de créations méconnues. En accordant une place de choix à la Vénus de Lespugue, pièce iconique découverte il y a 100 ans, elle montre comment l’art préhistorique n’a cessé d’inspirer l’art moderne et contemporain. Rencontre avec Patrick Paillet et Éric Robert, maîtres de conférence au Muséum national d’Histoire naturelle et commissaires scientifiques de cet événement.

Propos recueillis par Alice Tillier-Chevallier

L’exposition « Arts et Préhistoire » interpelle par son titre et l’ampleur du sujet qu’il annonce… Quel est son propos ?

É. R. : Le pluriel au mot « arts » est très important, et nous aurions aussi pu en ajouter un à préhistoire… Car c’est bien la diversité des arts préhistoriques que nous avons souhaité montrer au grand public. Des sites majeurs ont été découverts depuis les années 1990 : la grotte Cosquer et la grotte Chauvet, bien sûr, mais aussi la grotte de Blombos en Afrique du Sud avec ses objets décorés de motifs géométriques, le Rocher de l’Impératrice à Plougastel, dans le Finistère, où l’on a mis au jour des plaquettes ornées d’une importance considérable, ou encore les abris peints de Silawesi, en Indonésie, datant de plus de 40 000 ans. Toutes ces découvertes ont notamment remis en cause l’idée d’une évolution linéaire de l’art préhistorique, qui ne va pas, comme on a pu le penser, du figuratif au géométrique. C’est cette actualité de la recherche et ce regard planétaire que l’exposition souhaite mettre en avant.

P. P. : Il faut savoir qu’il n’y avait pas eu d’exposition de ce type au musée de l’Homme depuis 1984 ! Or les méthodes se sont depuis beaucoup modernisées, que ce soit en matière de datation, de caractérisation des pigments, de relevés, d’analyses microscopiques… Cette dimension méthodologique est présente dans l’exposition : il s’agit véritablement de donner à voir et à penser ce qui se fait aujourd’hui dans le domaine de la recherche en art préhistorique.

La première partie de l’exposition, consacrée à l’art mobilier, s’ouvre sur un visage humain. Pourquoi ce choix ?

P. P. : Les représentations humaines sont, il est vrai, bien moins nombreuses que celles animales dans l’art préhistorique. Nous avons souhaité replacer l’homme au centre de ce corpus, comme un miroir tendu à nous-mêmes. Ce visage, prognathe, de profil, se trouve sur une plaquette de La Marche – un site exceptionnel mais peu connu, situé dans la Vienne, où pas moins de 1 500 figurations humaines ont été mises au jour. Il a été choisi pour sa lisibilité car beaucoup des plaquettes de La Marche offrent plutôt des palimpsestes de gravures peu évidentes à discerner pour un œil non spécialiste. Une place importante est accordée ensuite aux images féminines, celles que l’on appelait ou que l’on appelle encore les Vénus – terme qui a un peu vieilli, qui est aujourd’hui débattu du fait de ses connotations gréco-romaines et qui est parfois remplacé par celui de Dames. Le corps féminin est davantage figuré que le corps masculin et il a donné lieu à une grande variété d’expressions : des Vénus bien en chair, à l’image de la célèbre Vénus de Lespugue, aux figures schématiques sans tête ni bras, incarnées notamment par la Vénus impudique.

Quels sont les animaux présents dans l’art mobilier ?

P. P. : Le bestiaire des armes, des outils, des plaquettes en pierre est bien plus diversifié que celui de l’art pariétal et rupestre. Aux côtés des incontournables chevaux, bisons et cervidés, des félins – plus rares – ou des mammouths, comme celui de la Madeleine, on trouve aussi des salamandres, des reptiles et même des insectes, à l’image de cette sauterelle de la grotte d’Enlène figurée sur un fragment d’os ! Le visiteur peut aussi admirer dans l’exposition la plaquette de l’aurochs rayonnant, découverte au Rocher de l’Impératrice et jamais exposée au public jusqu’ici, qui constitue un exemple unique de tête animale entourée de rayons, ou encore un ensemble de chevaux provenant du même site et dont la découverte a été majeure : leur tracé appartient en effet à s’y méprendre au style magdalénien, alors que la plaquette est bien plus tardive et remonte à l’Azilien, ce qui souligne une très grande continuité du répertoire graphique. Si, dans d’autres domaines, cette période de la fin du Paléolithique marque une rupture forte du fait du réchauffement climatique et des bouleversements environnementaux qui imposent une adaptation des pratiques de chasse visible dans la taille des silex, elle ne voit pas de rupture notable dans la production artistique.

Fragment 317 représentant des aurochs (recto et verso). Celui du recto est surnommé l’aurochs rayonnant. Découvert sur le site du Rocher de l’Impératrice à Plougastel. © Nicolas Naudinot, université Côte d’Azur CNRS CEPAM, propriété du Conseil départemental du Finistère
Fragment 317 représentant des aurochs (recto et verso). Celui du recto est surnommé l’aurochs rayonnant. Découvert sur le site du Rocher de l’Impératrice à Plougastel. © Nicolas Naudinot, université Côte d’Azur CNRS CEPAM, propriété du Conseil départemental du Finistère

« Arts et Préhistoire »
Jusqu’au 22 mai 2023 au musée de l’Homme
17 place du Trocadéro et du 11 Novembre, 75116 Paris
Tél. 01 44 05 72 72
www.museedelhomme.fr

Catalogue à commander sur : www.librairie-archeologique.com

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