
Les collections réunies par Jean Claude Gandur, et déposées auprès de la Fondation Gandur pour l’Art, couvrent de nombreux champs de la création humaine. En leur sein, l’ensemble d’archéologie classique convoque la Méditerranée antique et les gens qui y vécurent, entre le IIIe millénaire avant notre ère et le Ve siècle de notre ère. Un ouvrage récemment paru, en deux volumes, le quatrième de la Fondation Gandur pour l’Art, met en lumière plus de 200 objets qui nous dévoilent la manière dont les hommes se représentaient l’Olympe et leurs capricieux habitants ainsi que certains aspects de leur vie quotidienne. Fruits de cultures qui ont façonné notre monde, les œuvres présentées ici ont été sélectionnées par le collectionneur et commentées par Isabelle Tassignon, conservatrice de la collection d’archéologie classique.
Un Zeus anatolien
Reflet des liens que les fidèles tissaient avec leurs dieux, cette stèle votive montre, sous la façade d’un temple, un majestueux patriarche à la chevelure bouclée, dont la main droite émerge d’un manteau drapé : c’est un Zeus anatolien, un dieu protecteur des troupeaux, des champs et des vignes, très populaire parmi les paysans de Phrygie. La main droite, posée à plat sur le torse, est de taille démesurée ; elle symbolise la protection divine. La dédicace en grec peut se traduire par « Offrande de Timéas pour le salut de son village à [Zeus] Andréas ». On connaît d’autres stèles à Zeus Andréas, provenant de la région de Kütahya, en Phrygie. Toutes sont probablement issues d’un sanctuaire tout proche, dédié à ce Zeus agraire. Elles illustrent la persistance d’anciennes traditions religieuses locales, sous des dehors plus ou moins romanisés, jusqu’à la fin de l’époque impériale.

Animaux marins en silhouettes noires
Parmi les beaux objets de la collection, cette coupe a assurément le mérite de l’originalité. L’intérieur de ce récipient sur pied à deux anses, qui se rattache au type des « coupes de Droop », est décoré d’animaux marins en silhouettes noires. Cinq poissons plats, deux seiches et un dauphin nagent en ordre dispersé autour d’un petit triton à crête placé au centre du vase : un animal qui fait ici sa toute première apparition dans l’art antique. Des coupes similaires, caractéristiques de la production laconienne du milieu du VIe siècle avant notre ère, ont été trouvées à Sparte, mais aussi dans de nombreux autres endroits, tombes ou sanctuaires, en Étrurie, en Cyrénaïque, ou encore dans le sanctuaire d’Héra à Samos. Avec ses poissons noirs, en silhouettes, ce vase se rapproche des productions du Peintre de la Chasse et de son entourage, comme le Peintre de l’Allard Pierson.

Cheval, griffon, panthère
Trois animaux aquatiques cabrés composent le décor de ce pied de candélabre très sophistiqué. Un cheval marin, un griffon et une panthère marine, reliés les uns aux autres par leurs nageoires caudales entrelacées, semblent bondir des flots. C’est la base d’un candélabre coulé en plusieurs parties, caractéristique de l’Antiquité tardive, comme on en a trouvé de nombreux exemples dans l’Orient romain, notamment à Beth-Shean (ancienne Scythopolis). Ce candélabre d’inspiration païenne, et dont les parallèles les plus proches datent des Ve et VIe siècles, a pu orner la salle d’apparat d’un palais ou d’une riche demeure. L’objet n’a pas conservé son haut fût cylindrique qui, partant du centre du trio, accueillait une grande coupelle. La complexité technique de ces objets faisait que les moules démontables, bivalves ou trivalves, étaient généralement conservés.


Archéofolio à retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 619 (avril 2023)
L’archéologie des fleuves et des rivières
81 p., 11 €.
À commander sur : www.archeologia-magazine.com
À lire :
Sous la direction d’Isabelle Tassignon avec un essai d’Henri Lavagne, membre de l’Institut, et des contributions de Marie Bagnoud, Klara De Decker, Flore Higelin, Isabelle Tassignon et Emmanuel Ussel, Les antiquités classiques I. Déesses et dieux II. Deliciae, Milan, 5 Continents Éditions, 2022.