Le musée du Louvre ouvre ses portes au Metropolitan Museum of Art de New York : dix chefs-d’œuvre de l’institution américaine viennent se lover au cœur du département des Antiquités orientales pour plusieurs mois. Datées entre la fin du IVe millénaire avant notre ère, avec un facétieux taureau en argent agenouillé dans sa robe et tenant un vase, et le Ve siècle de notre ère, et l’incroyable plat sassanide figurant le roi Yazdgird Ier tuant un cerf, toutes tissent un dialogue tendre et fécond avec nos collections nationales.
La fermeture des salles du département de l’Art du Proche-Orient ancien au Met (dont la réouverture, après travaux, se profile pour 2026) est l’occasion pour le généreux musée américain de prêter au Louvre dix œuvres iconiques. C’est peu mais c’est grandiose – d’autant que le Louvre est le seul musée au monde à bénéficier de ce « dépôt ». Si pour ce dernier, c’est l’occasion de rendre vivante et d’animer sa collection, pour l’institution new-yorkaise, c’est celle de tester de nouvelles manières d’aborder ou d’exposer ces objets. Ainsi, au fil d’un parcours en dix stations, on découvrira ces pièces confrontées à leurs semblables dans une conversation constructive et pédagogique.
Dialogue de têtes
Exemple avec la sublime tête en alliage cuivreux figurant un personnage la tête ceinte d’un remarquable turban à bandeaux. Celle qui devait être à l’origine d’une douce teinte cuivrée constitue un rare témoignage de la grande statuaire métallique (ensuite fondue). Mais l’on savait peu de chose sur son lieu de fabrication et son origine. Or sa comparaison avec un fragment (peu parlant) du Louvre en a renouvelé la perception : ce petit vestige, présentant le même système décoratif de bandeaux et de cheveux tressés, a été mis au jour sur le site de Tello dans le sud de la Mésopotamie, ce qui permet d’offrir une meilleure provenance géographique à la tête américaine, voire de possiblement mieux la dater. Sans détailler toutes les autres œuvres que vous aurez plaisir à découvrir dans les salles grâce à un parcours de visite dédié, nous ne pouvons passer à côté d’une incroyable tête de hache en argent et feuille d’or ornée d’une scène de combat entre un démon à double tête d’oiseau, un sanglier et un dragon ! Remis dans toute la Perse par le souverain à ses dignitaires, ce type d’objet d’un aussi grand prestige est rarissime – on connaît son usage par les scènes figurées en tout petit sur les sceaux cylindres. Or non seulement il est ici en trois dimensions, de grand format et remarquablement conservé, mais il nous renseigne aussi sur l’univers symbolique des populations d’Asie centrale au IIe millénaire avant notre ère et sur l’excellence de leur art.
Fragments de discours (amoureux)
De ces fragments de discours (amoureux) entre les œuvres et ce qu’elles nous disent des royaumes et sociétés d’Iran et de Mésopotamie anciens, nous lisons aussi en filigrane l’histoire des collections des deux musées, uniques en leur genre. Si celle du Louvre (avec ses 150 000 numéros d’inventaire) est issue à plus de 80 % des fouilles au Proche-Orient (et donc avec des contextes scientifiques assurés), celle du Met (et ses 7 000 items) est composée pour un tiers de fouilles (les Américains ayant leur propre mission depuis des décennies en Mésopotamie), un tiers de dons et un tiers d’achat (pour la plupart réalisés au XXe siècle), ces deux dernières catégories étant pourvoyeuses d’objets uniques et splendides mais parfois moins bien renseignés. Bien aimé du grand public, l’exceptionnel département des Antiquités orientales du Louvre demeure mal connu. Une façon, en mode chasse au trésor, de (re-)découvrir sa richesse, son ampleur et son histoire.
Éléonore Fournié
« Dialogues d’Antiquités orientales. The Met au Louvre »
Jusqu’au 28 septembre 2025 au musée du Louvre
99 rue de Rivoli, 75001 Paris
Tél. 01 40 20 53 17
www.louvre.fr
Catalogue, coédition musée du Louvre éditions / éditions Khéops, 72 p., 12 €.