
Serpent de mer depuis 170 ans, la reconstruction de la tour nord et de la flèche de la basilique cathédrale de Saint-Denis est actée en 2016. En préalable à ce chantier, des consolidations souterraines étaient nécessaires pour asseoir les futures structures ; elles ont donc occasionné des études archéologiques dans les fondations de ce célébrissime édifice gothique. Ces dernières ont livré, sans surprise, une immense nécropole et, plus étonnant, les traces d’un édifice antérieur.
L’histoire de la basilique, devenue cathédrale en 1966, est bien connue : elle est intimement liée à Suger, homme politique (il murmurait à l’oreille de Louis VI) et abbé du XIIe siècle qui, par le chantier de rénovation de cet édifice, introduit, avec majesté, le style gothique en Île-de-France. Achevée au XIIe siècle (moment où l’on ajoute d’ailleurs la tour nord et la flèche), elle suit la course des siècles avant que la foudre ne frappe la flèche en 1834 ; abîmée, cette dernière est déposée par l’architecte François Debret qui souhaite à terme la remonter à l’identique. Des problèmes structurels l’en empêchent ; en 1847, le chantier est confié à un nouvel architecte prometteur, Eugène Viollet-le-Duc, qui a aussi à cœur de retrouver l’allure de l’édifice médiéval. Mais d’autres projets l’en détournent.
Une nécropole médiévale
Que l’on soit pour ou contre le remontage de ces structures médiévales (avec les matériaux conservés depuis le coup de foudre de 1834), il est vrai que ce chantier constitue une opportunité unique d’étudier les sous-sols dyonisiens. Prescrite par la Drac Île-de-France, la fouille, menée (de manière inédite) conjointement par le bureau du patrimoine archéologique du département de la Seine-Saint-Denis, l’Unité d’archéologie de la ville de Saint-Denis et l’Inrap, a concerné quatre secteurs. Elle a donc livré des sépultures, reflet de la célèbre histoire funéraire des lieux. En effet, la basilique devient, avec les premiers souverains mérovingiens, nécropole royale (souvenons-nous du Trésor de la reine Arégonde, belle-fille de Clovis et épouse de Clotaire Ier, aujourd’hui conservé au musée d’Archéologie nationale et qui y fut mis au jour en 1959). De fait, 43 rois, 32 reines et 10 serviteurs de la monarchie y furent inhumés depuis Dagobert Ier – avant que la révolution française ne saccage l’ensemble.

Moissons de sarcophages mérovingiens
Aujourd’hui, les archéologues ont exhumé plus de 200 sépultures (leur densité aux mètres carrés fouillés, conséquente, est supérieure à ce qui était attendu) dont les plus anciennes remontent à la fin du Ve siècle. Les études ostéologiques, anthropologiques et paléogénétiques permettront de mieux savoir qui étaient ces défunts – hommes d’Église, moines, aristocrates souhaitant, selon la pratique médiévale, être enterrés au plus près du saint, ici saint Denis – et de cerner leur mode de vie (alimentation, maladies, environnement, etc.). Parmi les découvertes les plus intéressantes figure la soixantaine (ils seront peut-être une centaine à terme) de sarcophages en plâtre (essentiellement d’époque mérovingienne, Ve-VIIe siècle) très bien conservés, dotés de mobiliers précieux et souvent décorés de motifs végétaux, géométriques ou christiques. L’organisation spatiale des sépultures a permis de distinguer les secteurs réservés à l’aristocratie et ceux aux moines. Les tombes postérieures (VIIIe-XIVe siècle) sont moins sophistiquées et les objets moins nombreux. Au XIe siècle apparaissent toutefois les premières plates-tombes, ces dalles funéraires typiques du Moyen Âge qui couvrent la tombe au niveau du sol.

À la recherche de l’édifice carolingien
Les recherches permettent également de comprendre l’évolution de l’édifice au fil des siècles, et ont livré des traces du bâtiment carolingien (VIIIe-Xe siècle). Mal conservés sous le monument gothique, ces vestiges apparaissent sous la forme de trous de poteaux et de boulins (des échafaudages), de déchets de taille de pierre, de tranchées de fondations, de marques d’ouvriers (sur les pierres) et de reprises dans la maçonnerie.

En route pour 2024
Assez spectaculaires, ces fouilles ont toutefois été menées sur de petites emprises. Bientôt, elles céderont la place au chantier de consolidation des fondations (par injection de béton), d’implantation d’une semelle sous les structures et de remblayage des espaces laissés vacants. Ensuite viendront, pour 2024, les futures constructions de cet édifice dont l’histoire n’est pas prête de s’éteindre.
Éléonore Fournié