La première incursion d’Homo sapiens en Europe l’a mené jusqu’en Allemagne, autour de 46 000 ans. Très à l’ouest et très au nord du continent donc. Cette nouvelle découverte, fruit de récentes analyses ADN, bouleverse nos certitudes sur la première vague de peuplement, dans un espace géographique peuplé de Néandertaliens.
Les Préhistoriens repèrent en Europe entre 47 000 et 42 000 ans, plusieurs « techno-complexes », c’est-à-dire des groupes culturels homogènes, adoptant la même industrie lithique et les mêmes comportements économiques. Il est d’usage de les appeler industries « de transition », car elles feraient la césure entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur (ou récent). Sont ainsi identifiés : l’Uluzzien en Grèce et en Italie, le Lincombien-Ranisien-Jerzmanowicien (LRJ) en Europe du Nord, les Bohunicien et Szélétien en Europe centrale, le Strélétskien en Europe de l’Est, le Bacho-Kirien en Bulgarie et le Châtelperronien en France. Pendant longtemps, leurs artisans ont été identifiés comme des Néandertaliens. Pour certains, il s’agissait d’une évolution de cette humanité vers son propre Paléolithique supérieur. Pour d’autres, le résultat de l’influence de l’arrivée d’Homo sapiens, associé vers 42 000 ans au Protoaurignacien et à l’Aurignacien. Cette controverse, appelée « nouvelle bataille aurignacienne », n’a pas résisté à l’accumulation des découvertes.
Assemblages « de transition »
Aujourd’hui, le Châtelperronien mis à part, la messe semble dite : l’Homme anatomiquement moderne serait l’unique artisan de la plupart de ces assemblages nommés « de transition ». Cette vague de peuplement, dont les productions sont en partie regroupées sous le terme de « Paléolithique supérieur initial » (PSI), est identifiée notamment par ses ossements en Bulgarie (Bacho Kiro), en Roumanie (Peștera cu Oase) et en Tchéquie (Zlatý kůň). Et maintenant dans la grotte d’Ilsenhöhle, à Ranis (Allemagne), où des restes de Sapiens associés à du LRJ en témoignent avec éclat. Reste à comprendre les rapports avec les populations néandertaliennes, sachant que les individus de Bacho Kiro étaient porteurs de gènes néandertaliens acquis depuis cinq à sept générations. Et que faire des Néroniens de la grotte Mandrin, des Sapiens peut-être présents au bord du Rhône dès 54 000 ans ? Autant de débats passionnants que détaille Jean-Jacques Hublin.
Jacques Daniel
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Archéologia n° 630 (avril 2024)
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