Il y a 80 ans, les Alliés débarquaient en Normandie. Si cet événement a marqué les paysages de cette région, il a aussi laissé son empreinte dans les sous-sols de la capitale, comme le souligne une découverte récente. Témoignages de l’Occupation de Paris, ces vestiges fragiles sont à prendre en compte par les historiens et les archéologues comme des éléments de notre patrimoine.
Le 8 avril 1935, le gouvernement français adopte la loi dite de Défense passive afin d’assurer la protection des biens et des personnes en cas d’une nouvelle guerre contre l’Allemagne. Dès 1923, les autorités avaient déjà envoyé une enquête à tous les hôpitaux parisiens pour connaître le nombre de places disponibles pour de futurs blessés. Traumatisées par l’utilisation des gaz de combat pendant la Première Guerre mondiale, et devant les rapides progrès technologiques de l’aviation, elles craignent en effet que les Allemands ne reviennent par les airs pour bombarder les villes françaises et les noyer sous des nappes de gaz toxiques. De fait, elles cherchent à développer l’aménagement d’abris pour les civils.
Des dispositions pour la population
À Paris, on pense très vite aux stations souterraines du métro qui peuvent héberger entre 250 000 et 350 000 personnes. Des dizaines de kilomètres de tranchées-abris en béton sont aussi creusées dans les jardins de la ville et environ 350 abris étanches au gaz principalement construits sous les administrations et des entreprises, plus une trentaine de postes de secours sanitaires (autrement dit des hôpitaux souterrains également étanches aux gaz). Mais surtout, les architectes de la Préfecture de Police recensent 40 378 caves converties en abris, pour près de 700 000 réfugiés potentiels. Les anciennes carrières souterraines de la ville (parfois dénommées « catacombes ») permettent aussi l’établissement d’une vingtaine d’abris, à environ 15 à 20 mètres de profondeur (le plus connu étant celui d’où fut coordonnée l’Insurrection de Paris du 20 au 25 août 1944, aujourd’hui visitable puisque désormais intégré au musée de la Libération de Paris).
Les Parisiens face aux alertes
Dans les très nombreuses caves-abris parisiennes, hormis les étais métalliques ou poutraisons en bois ajoutés pour renforcer les lieux à la veille de la Seconde Guerre mondiale, il est parfois possible de découvrir des dates d’alertes (confirmées par les registres de la Préfecture de Police ou des sapeurs-pompiers) inscrites, au crayon, à la craie, ou simplement gravées, par des personnes venues y chercher refuge. Ces graffitis historiques se trouvent souvent sur les parois en plâtre des intercommunications qui assurent la sortie de secours en passant par la cave mitoyenne. Ces traces manuscrites ne sont pas si nombreuses car les Parisiens préféraient souvent monter dans les étages afin d’admirer les « belles lueurs » au loin, et essayer, dans le cadre de bombardements visant des nœuds ferroviaires ou des usines travaillant pour l’Occupant, d’identifier les cibles des Alliés.
Gilles Thomas
Fonctionnaire à la Ville de Paris, spécialisé dans l’histoire des sous-sols
Article à retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 630 (avril 2024)
Pompéi renaît de ses cendres
81 p., 11 €.
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Pour aller plus loin :
KNAPP A., 2014, Les Français sous les bombes alliées (1939-1945), Paris, Tallandier. THOMAS G., 2017, Abris souterrains de Paris. Refuges oubliés de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Parigramme
THOMAS G. et DUVAL G., 2021, Paris sous Paris. La ville interdite, Paris, Hachette / EPA. https://ajuntament.barcelona.cat/ arqueologiabarcelona/wp-content/uploads/17- Gilles-Thomas-Paris.pdf https://grga.fr/gr-ga-groupe-de-recherche- en-graffitis-anciens/colloque-2023-martel/ intervention-n10-colloque-2023-martel/
À voir en replay : https://www.france.tv/france-3/paris-ile-de-france/enquetes-de-region-paris-ile-de-france/5737302-resistance-et-memoire.html