Dès le 24 février 2022, l’armée russe progresse rapidement dans le sud de l’Ukraine, prenant ou encerclant en quelques jours les villes de Kherson, Melitopol, Berdjansk et Marioupol. Au nord, dans les régions de Kiev et de Kharkiv, après une avancée rapide, les troupes russes sont progressivement repoussées, et ces villes, comme celles du sud que sont Odessa et Mykolaïv, demeurent les cibles de bombardements. Or, ces villes universitaires ou situées près des sites antiques concentrent les institutions de recherche dédiées à l’archéologie en Ukraine. Focus sur le sort des musées situés au sud du pays, en territoire occupé.
Les collections des musées d’histoire locale de Melitopol, Kherson et Marioupol ont connu divers sorts. Ces musées présentent une partie des résultats des fouilles des nécropoles et établissements scythes et sarmates des environs.
Une exposition venue de Saint-Pétersbourg à Kherson
Désormais réouvert, le musée de Kherson propose une exposition temporaire venue de Saint-Pétersbourg, consacrée au général Souvourov qui, à la fin du XVIIIe siècle, a contribué par ses victoires face aux Tatars et aux Turcs à la conquête des territoires bordant la mer Noire par la Russie. Si l’intention politique est évidente, aucune information n’a filtré sur le sort de la collection d’objets antiques qui n’a pas pu être évacuée avant l’occupation russe.
Melitopol : l’or des Scythes aux mains des Russes
Plus à l’est, à Melitopol, une partie des objets a pu être dissimulée par le personnel du musée avant la prise de la ville. Mais au bout de quelques jours, à la suite d’une dénonciation, les troupes russes les ont découverts. Face aux médias russes, E. Gorlachev, directeur du musée de Melitopol nommé par les Russes, a présenté ces collections « retrouvées », en insistant sur celles qui ont du sens pour les Russes : les objets scythes et ceux liés à la Grande guerre patriotique (1941-1945). Il affirme que les troupes russes les ont sauvées en empêchant leur évacuation vers l’Ukraine non occupée. Ce musée abrite quant à lui, depuis mai 2022, une exposition temporaire sur le Gouvernement de Tauride qui, de 1802 à 1921, rassemblait, sous l’autorité russe, l’essentiel des territoires ukrainiens actuellement occupés par la Russie à l’ouest et au sud de Marioupol.
Musée martyr de Marioupol
Dans la ville de Marioupol, au cœur de combats pendant près de trois mois, le musée régional d’histoire a été endommagé. Selon la directrice du musée, qui collabore avec l’occupant russe, il ne reste que 5 % des collections. Le reste a été détruit durant les combats, pillé ou dissimulé pour échapper aux occupants. Du fait de l’état de cette institution, ce qui reste de la collection a été évacué à Donetsk, siège de la République populaire de Donetsk, non reconnue par la communauté internationale. Des députés de cette République ont lancé une action « Aidons ensemble les musées » pour préserver et évacuer les collections des musées des territoires conquis dans le Donbass avec l’aide des troupes russes. Le ministre de la Culture et de la Politique de l’information ukrainien, O. Tkatchenko, craint que ces objets rejoignent par la suite les institutions russes. La Direction principale du renseignement du ministère de la Défense de l’Ukraine affirme que, dans les zones occupées par les troupes russes, des hommes armés viennent pour s’emparer de collections privées et les envoyer en Crimée. L’information n’a pas pu être vérifiée.
Thibaut Castelli
Chercheur associé, ArScAn UMR 7041, université de Paris Nanterre
Article à retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 613 (octobre 2022)
100 ans d’archéologie en Afghanistan
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