
Appartenant à la collection prédynastique égyptienne donnée au musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye par Jacques de Morgan, cette statuette d’hippopotame, découverte dans les environs de Toukh (Nagada, en Haute-Égypte), mérite d’être reconsidérée à la lumière de récentes découvertes.
Les animaux sauvages ont souvent été représentés dans la culture matérielle de la période prédynastique. L’hippopotame figure parmi les plus populaires puisqu’il est figuré sur plus de 70 objets de provenance connue et datés des périodes de Nagada I-IIB (entre 3900 et 3600 avant notre ère environ), ainsi que sur une centaine d’autres objets de provenance inconnue.
Un animal ambivalent
D’apparence débonnaire, l’Hippopotamus amphibius est un herbivore vivant en groupe qui dort la plupart du temps le jour et se nourrit plutôt la nuit. Pachyderme vorace, il a peuplé la région du Fayoum et les rivages de la vallée du Nil jusqu’au Delta, dès le Paléolithique supérieur. Sa présence en Égypte a peu à peu régressé jusqu’au XIXe siècle, époque à laquelle il n’est plus attesté que dans le nord du Delta et au sud d’Assouan, pour finalement disparaître totalement. Cet animal est généralement pacifique, mais devient agressif lorsqu’il se sent menacé. Observant ainsi sa nature ambivalente, les anciens Égyptiens l’ont vénéré sous ses deux aspects. Sous sa forme femelle, il incarnait une force protectrice et maternelle et facilitait la renaissance du mort : cette fonction est, par exemple, évoquée au Moyen Empire par les innombrables figurines funéraires en faïence bleue, décorées de motifs aquatiques et végétaux nilotiques. Tout au long de la royauté pharaonique, d’autres déesses prendront la forme d’un hippopotame au caractère providentiel, comme Thouéris, protectrice des femmes enceintes et des nouveaux-nés, dont l’origine pourrait remonter à l’époque prédynastique, ou Hedjet, hippopotame blanche qui jouait un rôle lors du festival de renouvellement du roi dès l’Ancien Empire. À l’opposé, l’hippopotame mâle, craint en raison de son côté féroce et destructeur, prendra l’apparence de divinités néfastes à l’image de Seth au Nouvel Empire. Ces deux dimensions du caractère de l’animal correspondaient à l’expression de la dualité dans l’organisation du monde, telle qu’elle était perçue par les anciens Égyptiens.

Les représentations d’hippopotame à l’époque prédynastique
L’époque prédynastique a fourni une documentation iconographique extrêmement abondante et variée à propos de cet animal. Les tombes de l’époque de Nagada I (3900-3650 avant notre ère environ) et du début de Nagada II (3650-3300 avant notre ère environ) ont livré un grand nombre de vases de type White Cross-lined (à engobe rouge et décor de croisillons peints en blanc) ornés d’un ou plusieurs de ces animaux parmi des végétaux stylisés ou de scènes de chasse au harpon. Ces dernières symbolisent la nécessaire maîtrise des forces chaotiques, incarnées par l’hippopotame.
Christine Lorre
Conservatrice générale, chargée de la collection d’archéologie comparée

Article à retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 618 (mars 2023)
Vaison-la-Romaine, dernières découvertes
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