
Depuis trois ans, les équipes de l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) accompagnent le projet de restauration de la plus grande cathédrale parisienne. La veille du funeste anniversaire de l’incendie qui ravagea l’édifice, le 15 avril 2019, les archéologues faisaient le point sur une vaste fouille menée depuis début février à la croisée du transept, qui a livré des éléments inédits et insoupçonnés.
Sur prescription de la Drac Ile-de-France (SRA), des fouilles ont été menées du 2 février au 8 avril 2022 par l’Inrap à Notre-Dame sur une emprise de 120 m2 en amont des travaux de restauration de la flèche. En effet, la création d’une chape de répartition nécessaire au montage de l’échafaudage (de 600 à 700 tonnes pour 100 mètres de haut !) de la future flèche exigeait un terrassement d’une quarantaine de centimètres sous le niveau de dallage actuel.
Un mystérieux sarcophage en plomb
Furent alors mises au jour sous la nef, à la croisée du transept (partiellement détruit par l’incendie), sous le radier empierré, daté entre le XIVe et le XVIIe siècle, de nombreuses sépultures dont un cercueil en plomb datant au plus tard du XIVe siècle – d’après le mobilier contenu dans le remblais le surmontant. Ce sarcophage anthropomorphe est « intégralement conservé », souligne Christophe Besnier, le responsable de l’opération. Pour l’instant, on ne sait pas qui repose dans le cercueil, ni sa datation précise. Mais au regard de ses caractéristiques et de sa localisation (dans la partie ouest de l’emprise de la fouille), « l’hypothèse d’une sépulture d’un haut dignitaire semble probable, laïc ou religieux ». Une caméra endoscopique a été introduite dans le sarcophage : le corps est à l’état de squelette et ont été observés des lambeaux de peau séchée sur le crâne, des éléments de tissus et des restes végétaux. La sépulture va être confiée à l’Institut médico-légal de Toulouse pour étude et une datation au carbone 14 lèvera tout doute.

Le jubé détruit au XVIIIe siècle retrouvé
Par ailleurs, des fragments sculptés polychromes de l’ancien jubé, la tribune en pierre élevée entre la nef et le chœur, construite vers1230 et détruite au début du XVIIIe siècle (sous le règne de Louis XIV pour répondre aux nouveaux usages liturgiques), ont été retrouvés dans une fosse située sous le dallage actuel de la cathédrale (bien que brisé, le jubé a été conservé dans l’enceinte de l’édifice, sans doute eu égard au caractère sacré de l’ouvrage). Lors de ses travaux au milieu du XIXe siècle, Viollet-le-Duc (concepteur de la flèche détruite) avait déjà retrouvé d’autres fragments appartenant à ce jubé, aujourd’hui exposés au musée du Louvre (mais qui ont perdu leur polychromie d’origine). Les archéologues ont donc extrait des centaines de fragments, de quelques centaines de grammes à plusieurs centaines de kilos dont la plupart ont conservé leurs couleurs initiales (dont de la feuille d’or). Une première analyse stylistique des décors végétaux, de la façon de représenter les visages, les cheveux et les drapés permet de les faire remonter au XIIIe siècle. Des collaborations seront désormais envisagées, avec le pôle polychromie du Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) et avec le département des Sculptures du musée du Louvre afin de pouvoir recomposer ce jubé disparu. La fouille qui vient de s’achever laisse désormais place à une longue période d’analyse et d’étude du mobilier, des vestiges organiques, de l’ADN, des matériaux, de la stylistique, de la polychromie, du répertoire iconographique… Même ravagée, Notre-Dame n’a pas fini de nous émerveiller.
Stéphanie Durand-Gallet et Éléonore Fournié