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Un navire médiéval refait surface

Vue générale du bateau dans la lumière matinale. © Patrick Ernaux, Inrap
Vue générale du bateau dans la lumière matinale. © Patrick Ernaux, Inrap

Une embarcation datée du haut Moyen Âge est en cours de fouille au sud de Bordeaux. Cette découverte exceptionnelle, du fait de la rareté des épaves de navires médiévaux, devrait contribuer à développer les connaissances sur la navigation à cette période.

« Pépin le Bref », c’est le nom facétieux que les archéologues ont donné à ce navire en raison de ses dimensions. En effet, si l’épave mesure 12 mètres de long, sa taille initiale est estimée à 15 mètres. L’avant du bateau est bien conservé, mais l’action de la marée a fini par dégrader sa partie arrière. Enfoui dans l’ancien lit envasé d’un ruisseau, l’Estey du Lugan, qui se jette dans la Garonne, ce navire a été préservé par l’accumulation de sédiments durant des siècles… et découvert en 2013 lors de sondages menés en amont d’un projet d’aménagement à Villenave-d’Ornon, au sud de Bordeaux. Il avait alors été entièrement dégagé, mais l’effondrement des parois de la tranchée à cause de fortes pluies avait entraîné l’arrêt du chantier. L’épave avait alors été ensevelie une seconde fois. La fouille a repris en 2022 afin de la démonter, de l’analyser et de la préserver. Une entreprise qui s’apparente à une course contre la montre car la charpente en bois, exceptionnellement bien conservée dans sa couche de sédiments humides, se dégrade rapidement à l’air libre. D’où la nécessité d’arroser régulièrement et copieusement l’embarcation !

Un rare témoignage

Les premières observations ont permis de constater qu’il s’agissait d’un robuste voilier de charge, capable de naviguer sur la Garonne mais aussi de faire du cabotage le long de la côte atlantique, comme le prouve la présence d’une quille. Un plancher en bois de résineux indique qu’il pouvait transporter des marchandises en vrac. La datation radiocarbone le fait remonter aux années 680-720, ce qui en fait la deuxième épave de navire du haut Moyen Âge retrouvée en France, après celle découverte en Charente-Maritime, à Port Berteau. C’est donc un témoignage d’autant plus précieux sur la construction navale et la navigation médiévales. L’assemblage de la charpente en bois de chêne, qui a conservé ses chevilles, a révélé des particularités encore inédites qui montreraient une double influence, à la fois méditerranéenne et nordique, pour les techniques de construction. Quelques éléments ont été retrouvés à bord : des cordages, des tessons de céramiques, des petits ossements animaux, et une cuillère en bois (encore une rareté en raison du matériau), tous en cours d’analyse.

Une navigation risquée

Cette découverte devrait également permettre de mieux saisir l’histoire de cette zone marécageuse, exploitée dès l’Antiquité comme le prouve un mur de clôture daté de la seconde moitié du Ier siècle de notre ère. Il marquait probablement les limites d’un vaste domaine agricole. L’exploitation de ce terrain a continué au Moyen Âge et jusqu’aux XVIIe et XVIIe siècles. S’il était difficilement accessible par voie de terre, il était en revanche parcouru de petits cours d’eau affluents de la Garonne navigables à marée haute. Une navigation qui n’était néanmoins pas sans risque, comme le montre cette épave.

Mathilde Dillmann

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