
À Villeneuve-sur-Lot, lors d’une opération de fouilles préventives menée par Éveha sur 4 900 m2 pendant quatre mois avant le projet de construction d’une maison individuelle, sont apparues les fondations du camp militaire romain d’Excisum. En France, c’est probablement l’un des plus anciens camps construits en pierre que l’on connaisse. Il comprend par ailleurs un mobilier d’exception. Présentation d’une remarquable découverte, avant la remise du rapport final en 2025.
Les fouilles ont été menées par Pierre Dumas-Lattaque, responsable d’opération, et par trente-quatre membres de son équipe, à quelques kilomètres du centre historique de Villeneuve-sur-Lot, en plein milieu d’un lotissement sur une grande parcelle non lotie. Depuis longtemps, une hypothèse était émise concernant la présence d’un camp militaire : en effet, dès les XVIIe et XVIIIe siècles, des stèles funéraires de soldats avaient été découvertes dans les environs, leurs épitaphes traversant le temps grâce à leur publication dans le Corpus Inscriptionum Latinarum (CIL).
Les promesses du site
Eysses, en latin Excisum, ancien village devenu aujourd’hui un quartier de Villeneuve-sur-Lot, abrite donc ce site archéologique romain connu par plusieurs opérations. À proximité, le site de Cantegrele, zone de dépotoirs caractérisée par de nombreuses fosses, a livré un abondant mobilier associé à la présence militaire, sans pouvoir affirmer si cette dernière était temporaire ou permanente. Et il y a quelques années, la mise au jour par l’Inrap de murs, caniveaux, caves et d’un rempart avait également conforté cette hypothèse. Celle-ci est à présent confirmée. Ce camp militaire romain est le troisième de ce type identifié dans le sud-ouest de la France avec ceux de Saint-Bertrand-de-Comminges et d’Aulnay-de-Saintonge. Les fouilles ont livré les deux axes nord-sud et est-ouest du camp (la via principalis et la via decumana) et à l’extrémité de la voie nord-sud, les traces d’une bâtisse d’une importance considérable, le principia, logement des hauts membres de l’État-major (la majeure partie de ce monument se trouve sous le lotissement actuel).

Évolution du camp, de l’an 20 à 90 de notre ère
À partir de l’an 20, la région est pacifiée. Selon Pierre Dumas-Lattaque, les soldats y arrivent dans les premières décennies de notre ère installant d’abord un camp militaire temporaire dans lequel ils devaient vivre sous des tentes. La datation des céramiques confirme cette première interprétation. Entre 30 à 60, les bâtiments sont reconstruits sur poteaux en bois, puis en terre et bois sur radier de galets. Ils comprenaient une élévation en matériaux périssables associés par endroit à des sols en mortier de tuileau. Dans la dernière phase de construction entre 60 et 90, le camp connaît une pétrification de son bâti. Les fondations profondes d’environ 80 centimètres et les murs maçonnés en pierre et mortier laissent supposer des constructions hautes d’environ 2,5 mètres. Dix puits ont été identifiés. Le camp aurait ensuite été désaffecté puis démantelé. Toutefois, le fait qu’il demeure tout au long du Ier siècle serait peut-être lié à la présence, dans les collines environnantes, de mines de fer et d’un croisement de routes stratégiques.
Alice Ranzoni

À retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 620 (mai 2023)
Phéniciens, dernières découvertes
81 p., 11 €.
À commander sur : www.archeologia-magazine.com