La pièce est exigüe, sans ouverture sur l’extérieur, ses fenêtres donnant sur l’atrium entravées de barreaux de fer, et les dalles à proximité des meules marquées d’encoches semi-circulaires. Autant d’indices qui, confrontés aux sources littéraires, donnent à penser aux archéologues que la mouture du grain effectuée ici était le fait d’esclaves.
Les fouilles de cette maison sont en cours depuis plusieurs mois dans ce quartier de Pompéi où les travaux vont bon train pour sécuriser les pentes formant la limite des zones non explorées. Ces derniers mois, trois dépouilles (deux femmes et un enfant âgé d’environ trois ou quatre ans) y ont déjà été retrouvées, dans l’une des pièces de la boulangerie qui constitue, comme c’est souvent le cas, la partie productive de la demeure ; la partie résidentielle était, quant à elle, décorée de somptueuses fresques relevant du quatrième style pompéien.
De hautes fenêtres à barreaux
La pièce qui vient d’être mise au jour est adjacente à l’écurie, identifiable à sa longue mangeoire. Les deux espaces s’ouvrent exclusivement sur l’atrium – alors que les écuries ont généralement un accès direct sur la rue. Seules de petites fenêtres placées en hauteur et munies de barres de fer permettaient de faire entrer la lumière. « Il faut imaginer la présence de personnes de condition servile, dont le propriétaire a jugé nécessaire de limiter la liberté de mouvement », commente Gabriel Zuchtriegel, directeur du site de Pompéi, dans le communiqué diffusé le 8 décembre.
Un sillon pour guider les ânes
Autre particularité découverte par les archéologues : les encoches semi-circulaires visibles sur les dalles de basalte situées autour des quatre meules présentes dans la partie sud de la pièce. Ce sillon est difficilement imputable à l’usure exclusive du piétinement, étant donné la dureté de la roche. Il est plus probablement un tracé délibéré, un curva canalis (sillon circulaire), qu’évoque notamment Apulée, célèbre auteur, au IIe siècle, des Métamorphoses : le creusement était destiné à empêcher les animaux de trait, dont les yeux étaient bandés, de glisser sur le pavé et indiquait également le chemin à suivre. « Les sources iconographiques et littéraires, en particulier les reliefs du tombeau d’Eurysacès à Rome, suggèrent que la meule était généralement actionnée par un couple composé d’un âne et d’un esclave, explique le directeur. L’esclave avait pour tâche, non seulement de pousser la meule, mais aussi d’encourager l’animal, de surveiller le processus de mouture, d’ajouter du grain et de récolter la farine. » L’usure des dalles témoigne de ce travail harassant, qui était répété à longueur de journée dans ce petit espace fermé. Au moment de l’éruption fatale du Vésuve en l’an 79, la boulangerie n’était pas en fonctionnement.
Alice Tillier-Chevallier
Pour aller plus loin, lire l’article de Gabriel Zuchtriegel dans le Journal degli scavi di Pompei.