
C’est peu dire : depuis la Préhistoire le cristal de roche fascine l’humanité. Sa transparence et ses facettes diffractant la lumière en ont fait un matériau de prédilection dès le Paléolithique pour rehausser armes, bijoux et objets de prestige. La nouvelle exposition du musée de Cluny nous invite à un voyage, hommage à George Sand et sa Laura, voyage dans le cristal, au cœur de cette matière. Tous ses aspects y sont abordés au fil de 200 pièces, toutes plus fascinantes les unes que les autres : géologie, minéralité, histoire, polyvalence symbolique, au fil du temps et des civilisations mondiales. Et cette rêverie cristalline résonne jusqu’à aujourd’hui, cette pierre étant utilisée aussi bien dans l’optique, dans la mesure du temps ou comme source d’inspiration dans la pop culture du XXe siècle.
Fermail-reliquaire à l’aigle
Ce bijou-reliquaire a probablement été réalisé à Prague au milieu du XIVe siècle. Il servait à attacher les pans d’un vêtement d’apparat, les reliques qu’il contenait lui conférant prestige et protection. Le luxe des matériaux et le soin apporté à sa réalisation laissent penser qu’il s’agit d’une commande impériale. Serti de pierres précieuses et enrichi d’émaux, il arbore l’aigle couronné sur fond de flammes, emblème de la Bohême. Le jeu de contraste entre la transparence et la brillance du cristal de roche associé au chatoiement d’autres pierres précieuses, de perles, de métaux luxueux ou d’émaux offre des variations de lumière infinies hautement appréciées.

Vénus accroupie
Dès l’Antiquité, la compréhension des formes cristallines passionne les scientifiques. Au Ier siècle avant notre ère, l’historien et géographe grec Strabon parle, le premier, de krystallos (« glace » en grec ancien), en associant ce matériau aux cristaux de neige. Ce dernier connaît alors un rayonnement extraordinaire dans le monde antique. Bien que très difficile à sculpter, ce qui augmente d’autant plus la préciosité de l’objet, le cristal de roche sert à reproduire les grands chefs-d’œuvre de l’époque, souvent en modèle miniature, comme cette Vénus, reprenant le modèle de la Vénus dite de Rhodes, sans doute objet de délectation de son riche propriétaire.

Reliquaire quadrilobé
Au Moyen Âge, la tradition, qui fait du cristal de roche un symbole divin par excellence, conduit à l’utiliser comme un matériau de prédilection pour les commandes artistiques des églises, aussi bien pour les objets liturgiques que pour les reliquaires. Si bien que tous les trésors religieux de l’Occident médiéval contiennent des objets en cristal de roche. En effet, outre sa transparence qui laisse voir la relique, ce matériau est porteur d’une lumière propre qui confère à la relique une aura divine, permettant, au-delà de son pouvoir grossissant, d’atteindre la lecture mystique de l’objet.


À retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 624 (octobre 2023)
Peste et épidémies, les révélations de l’archéologie
81 p., 11 €.
À commander sur : www.archeologia-magazine.com
« Voyage dans le cristal »
Jusqu’au 14 janvier 2024 au musée de Cluny — musée national du Moyen Âge
6 place Paul Painlevé, 75005 Paris
Tél. 01 53 73 78 00
www.musee-moyenage.fr