Un tertre original du premier Âge du fer en Aveyron

La nécropole et le tertre en cours de fouille. © Marie Canivet, Hadès
À Salles-la-Source, au nord-ouest de Rodez, l’extension d’une carrière a conduit la société Hadès à mener une fouille préventive sur un tertre funéraire du premier Âge du fer. Il appartenait à une petite nécropole composée de cinq autres tumulus. Bien que largement arasés par les travaux agricoles récents, les vestiges dégagés en font un exemple architectural unique pour les causses aveyronnais qui comptent plusieurs milliers de sépultures sous tumulus, dont seule une infime partie a pu être fouillée intégralement.
La fouille du monument a permis d’identifier quatre tertres successifs édifiés selon une méthode de construction identique. Ils ont été implantés sur un léger relief les mettant naturellement en évidence et leur assurant une meilleure visibilité.
Une architecture originale
Une petite plateforme a été dégagée au préalable et le substrat calcaire aplani et régularisé. Chaque tertre a été doté d’une couronne circulaire de dalles et de blocs calcaires gris empilés en parements, destinée à contenir la masse de pierres couvrant les sépultures. Une chambre funéraire située au centre de chacun a été préparée ; celle du premier tertre, d’environ 4 m de diamètre, n’a pas été identifiée, car réaménagée lors de l’installation du tertre n° 2. Celui-ci mesure environ 6 m de diamètre, tout comme le tertre n° 3, qui est implanté au nord des deux premiers et recoupe leurs murets de circonférence. Malgré une arase quasi complète, les vestiges de sa chambre funéraire peuvent être déduits de l’aménagement d’un sol en dalles calcaires. Le dernier tertre (n° 4) englobe tous les autres pour former un tumulus de 10 m de diamètre dont seul le quart sud-ouest a livré son muret de soutènement, fait de dalles et de blocs plus massifs que pour les autres. La chambre funéraire se situe au centre de celui-ci à l’intersection des tertres n° 2 et 3.

Plan des quatre tertres imbriqués. © Guillaume Saint-Sever, Hadès
Des indices du rite funéraire
Bien que la nature acide du sol et l’arase du monument aient passablement abîmé les inhumations, une partie des gestes funéraires peut être restituée. L’inhumation du premier tertre a été remobilisée lors de l’installation de la deuxième sépulture : une partie de ses ossements a ainsi été rassemblée dans un petit espace situé derrière la tête du deuxième inhumé. Celui-ci est disposé sur le dos, la tête à l’ouest, comme l’inhumé du tertre n° 4. Ces deux individus ont la tête au centre de leur tertre et la découverte de dents au centre de la chambre n° 3 laisse supposer une organisation similaire pour ce défunt. La tête de chaque individu étant placée sur un même axe, des marqueurs visibles à la surface des tumulus devaient permettre de situer les inhumés. Les ossements dégradés correspondent à des défunts adultes, mais leur genre, leur âge, ou l’existence d’un contenant de type linceul ou cercueil ne peuvent être précisés.
Une vingtaine de bracelets
L’inhumé n° 2, le mieux conservé, portait plusieurs bracelets en fer, trois au niveau du bras droit et deux au bras gauche. L’ensemble des tombes a livré une vingtaine de bracelets pour beaucoup très fragmentés, seuls objets retrouvés participant de la parure personnelle. La présence d’autres offrandes n’est pas établie, une petite fosse renfermant toutefois quelques tessons de céramique de plusieurs vases déjà brisés. Les bracelets ouverts en fer conduisent à une datation des tombes entre 700 et 550 avant notre ère. Ils sont régulièrement mis au jour dans les tumulus aveyronnais de la même époque, parfois avec d’autres objets. La position des inhumés et l’organisation architecturale de la structure sont des traits largement partagés sur les Grands Causses pour des tertres qui peuvent accueillir plusieurs individus, comme dans la grande nécropole d’Onet-le-Château située à quelques kilomètres. En revanche, les tertres agglutinés ne sont attestés qu’au tumulus des Barracs à Pierrefiche-d’Olt, où la composition architecturale est moins régulière que dans notre cas. Ici le système architectural similaire et la constance apparente du rite funéraire, avec le dépôt d’une parure individuelle identique, orientent l’interprétation vers un monument funéraire édifié en quatre étapes sur une période assez courte afin d’y accueillir des défunts d’un statut social similaire. Quelques tessons antiques retrouvés au pied du parement du plus grand tertre attestent de la pérennité du monument, encore érigé et bien visible, près d’un millénaire après sa fondation.

Bracelets en fer entiers des inhumations 1 et 2. © Anne-Laure Grevey, Hadès
Un patrimoine fragile
Ce monument était encore visible et probablement bien conservé jusque dans les années 1970, comme en témoignent les photographies aériennes. La mise en culture des Causses a été facilitée par une mécanisation plus puissante des engins agricoles. Cette recherche de terres arables a contribué à l’arasement de très nombreux tertres, dont seule une partie a pu être partiellement fouillée à la fin du XXe siècle, amenant à un renouveau des connaissances sur les pratiques funéraires protohistoriques. Malgré ces sauvetages ponctuels, beaucoup de tertres sont devenus invisibles et difficilement protégeables. Depuis une quinzaine d’années, un changement de pratiques agricoles, consistant au broyage des calcaires de surface afin d’amender et d’épaissir les sols cultivables, met en danger ces anciennes constructions. En effet, les machines terminent d’araser les constructions et de détruire les vestiges archéologiques en concassant le tout, les faisant disparaître presque définitivement et ne laissant que des vestiges dans les zones les plus profondes. La future fouille de tertres de la nécropole aidera, en plus d’apporter de nouveaux éléments sur les pratiques sépulcrales de la région, à estimer l’impact de ces méthodes agricoles sur notre patrimoine…





