Conservé à la Veneranda Biblioteca Ambrosiana de Milan, un texte du savant grec Ptolémée que l’on croyait perdu vient d’être découvert grâce aux technologies de pointe de l’imagerie multispectrale. Il est consacré à la description d’un instrument de mesure astronomique composé d’anneaux concentriques.
Voilà plus de deux siècles que le manuscrit des Étymologies d’Isidore de Séville de l’abbaye de Bobbio (Italie du Nord), datant du VIIIe siècle, était identifié comme un palimpseste, recelant sous son texte latin, trois textes mathématiques grecs qui avaient été grattés à la pierre ponce pour permettre le réemploi du parchemin.
Une transcription partielle au XIXe siècle
Les philologues du XIXe siècle, à commencer par le cardinal Angelo Mai qui en avait fait la découverte, avaient réussi à en réaliser une transcription partielle grâce à l’utilisation de réactifs permettant de révéler le texte effacé, notamment de la noix de galle. Ces premiers travaux avaient déterminé que le premier texte, d’auteur inconnu, portait sur la mécanique et la catoptrique (optique des miroirs) et que le deuxième n’était autre que L’Analemme de Claude Ptolémée, mathématicien et astronome du IIe siècle de notre ère à qui l’on doit le fameux « système de Ptolémée » plaçant la Terre immobile au centre du monde. Le troisième texte, de nature astronomique, n’avait pu être, jusqu’ici, que très peu déchiffré.
Une sphère armillaire
Deux campagnes d’imagerie multispectrale, réalisées en janvier 2020 et en juin 2022 par une équipe de chercheurs du Centre Léon Robin (Sorbonne Université / CNRS) et de l’université de New York (NYU), ont permis de révéler ce dernier texte, de décrypter son contenu et de l’attribuer, lui aussi, à Ptolémée. « Le texte décrit une sphère armillaire, composée de neuf anneaux concentriques (anciennement appelées armilles), que l’on fait tourner pour effectuer des mesures astronomiques, explique Victor Gysembergh, l’un des chercheurs de l’équipe. Cet instrument pouvait servir à déterminer, par exemple, les coordonnées de deux étoiles et la distance les séparant, l’obliquité de l’écliptique, ou encore une latitude ou une longitude à la surface du globe. »
L’attribution à Ptolémée
L’instrument, dont le texte présente la méthode d’assemblage et l’utilisation, a été identifié comme le « météoroscope » évoqué par Ptolémée dans un autre de ses écrits, le Traité de géographie. « L’argument principal en faveur de l’attribution à Ptolémée est la terminologie employée dans le texte au sujet des angles – il avait lui-même modifié leur nomenclature –, ainsi que divers faits de langue, similaires à ceux que l’on retrouve par exemple dans son Almageste », poursuit l’historien des sciences et de la philosophie.
Une découverte majeure
Le déchiffrement du texte est une découverte importante non seulement pour l’histoire de l’Antiquité, mais aussi pour l’histoire médiévale : datable, d’après l’écriture, des VIe-VIIe siècles, ce manuscrit grec témoigne de la persistance, en Italie du Nord, en cette période du Haut Moyen Age souvent assimilée à des âges obscurs, d’un intérêt pour les sciences.
Alice Tillier-Chevallier
Pour aller plus loin :
« Ptolemy’s treatise on the meteoroscope recovered », Archive for History of Exact Sciences