![Séance de travail dans l'appartement de Suzanne de Saint-Mathurin à Paris. De gauche à droite : Germaine Henri-Martin, Suzanne de Saint-Mathurin et Dorothy Garrod. © MAN, Fonds Saint-Mathurin. Photographie de Lee Miller](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/03/archeologie-au-feminin-photo-nb.jpg)
À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le musée d’Archéologie nationale organise ce vendredi 8 mars une journée d’étude consacrée à l’« archéologie au féminin ». Sa directrice Rose-Marie Mousseaux revient sur la genèse et le programme de cette manifestation, la première d’un cycle conçu sur cinq ans.
Propos recueillis par Alice Tillier-Chevallier.
Pourquoi cette journée d’étude ?
Rose-Marie Mousseaux : C’est un projet qu’Ariane Thomas, directrice du département des Antiquités orientales du musée du Louvre, Hélène Bouillon, directrice des expositions et des publications du Louvre-Lens et moi-même mûrissons depuis plusieurs années. La nécessité de faire le point sur la place des femmes, dans les sciences en général et dans l’archéologie en particulier, s’impose d’autant plus que l’on peut observer à l’heure actuelle des critiques croissantes sur certains acquis en termes de droits des femmes et de lutte contre les discriminations, qui touchent la société dans son ensemble, au-delà du seul domaine archéologique. Le programme de la journée permettra à la fois d’évoquer ces enjeux contemporains, et de s’intéresser à l’histoire des femmes archéologues : grâce à de nouveaux travaux de recherche, la vision de l’histoire de l’archéologie n’est plus fondée aujourd’hui, comme elle l’a longtemps été, sur les seuls grands noms, masculins de surcroît, et l’on voit sortir de l’ombre de nombreuses femmes, qui ont joué, depuis le XIXe siècle, un rôle important dans la constitution du savoir archéologique.
À quelles personnalités s’intéressera cette première édition ?
![© MAN, Fonds Saint-Mathurin. Photographie de Lee Miller. Graphisme MAN, L. Pradine](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/03/AFFICHE-Archeologie-au-feminin-212x300.jpg)
Nous nous pencherons sur trois contributrices importantes de ce qui ne s’appelait pas encore le musée d’Archéologie nationale, mais le musée des Antiquités nationales : la préhistorienne Suzanne Cassou de Saint-Mathurin, Françoise Henry, spécialiste des mondes celtes, et Dorothy Garrod, dont les recherches ont porté sur l’Europe et le Proche-Orient. Nos six années de chantier de collections nous ont fait rentrer dans l’intimité de ces trois femmes qui ont travaillé sur le terrain à l’étranger : nous avons découvert par exemple que des os de gazelles rapportés par Dorothy Garrod étaient emballés dans des boîtes de bas, à une époque où les contenants n’étaient pas encore standardisés ! S’intéresser aux femmes, c’est aussi appréhender un peu plus les conditions de fouilles et la réalité du terrain, les rôles auxquels elles ont pu être assignées, ou les disciplines qui se sont développées parce qu’elles s’en sont emparées – je pense notamment à la paléo-écologie ou à l’archéozoologie.
Comment aborderez-vous les enjeux contemporains ?
Nous aurons une table-ronde faisant intervenir des chercheurs et chercheuses qui sont, pour partie, membres d’associations et de collectifs comme Archéo-Éthique, Paye ta Truelle ou Mnémosyne – qui travaille sur les questions de l’histoire mixte –, et également la présence d’Agnès Saal, haute fonctionnaire à l’égalité, à la diversité et à la prévention des discriminations du ministère de la Culture. Ces prises de parole permettront d’évoquer les freins ou les atteintes que les femmes archéologues rencontrent encore : des attitudes sexistes lors des chantiers, des accès restreints à certains sujets de recherche ou à la publication, des orientations pré-déterminées ou des abandons contraints de carrière… Il s’agira aussi de se faire l’écho des évolutions perceptibles, notamment la mise en place, par un certain nombre d’institutions, de chartes internes qui règlementent les questions d’équité de traitement hommes-femmes ou des sujets aussi matériels que celui des vestiaires ou des sanitaires.
Cette journée d’étude sera suivie de quatre autres, jusqu’en 2028…
Nous tenions à ce que cette « Archéologie au féminin » ne soit pas une journée d’étude unique, mais s’inscrive dans un cycle qui permette à la fois de mesurer les évolutions sur une durée de cinq ans et de présenter différentes personnalités. Après cette première édition centrée sur trois figures déjà relativement bien établies, les journées suivantes permettront de mettre aussi en lumière des femmes archéologues moins connues, moins documentées ou plus contemporaines.
« Archéologie au féminin »
Vendredi 8 mars, de 10h à 17h au musée d’Archéologie nationale
Inscription : https://affluences.com/musee-darcheologie-nationale
Suivez le colloque en ligne ici : https://www.youtube.com/watch?v=6XJz5lznRdk