
Du château des ducs de Bourbon construit à Moulins à la fin du XIVe siècle par le duc Louis II, puis agrandi et embelli autour de 1500 par Pierre de Beaujeu et Anne de France, sœur et régente du roi Charles VIII, il reste essentiellement le donjon, surnommé la Mal-Coiffée du fait de sa toiture tronquée, et le Pavillon Renaissance qui abrite le musée Anne-de-Beaujeu. Passé aux mains des Condé, découpé en appartements puis transformé en prison au XVIIIe siècle, le château porte la marque de ses usages successifs. Il s’ouvre à la visite le temps de l’été.
Il s’en est fallu de peu que le château disparaisse complètement au milieu du XIXe siècle. Alors que Moulins est érigé en évêché, son premier évêque, Pierre Simon de Dreux-Brézé, fait agrandir la collégiale pour la transformer en cathédrale et souhaite un parvis monumental qui nécessiterait de détruire le donjon voisin. Mais le château sert de prison depuis 1775 et on ne sait que faire de ces prisonniers de droit commun. L’évêque n’obtient finalement qu’un parvis de taille modeste, et la prison demeure jusqu’en… 1983 !

De profondes transformations
Les lieux restent aujourd’hui profondément marqués par cette fonction carcérale de plus de deux siècles. Et le visiteur découvre le château dans son dernier état : la loggia d’Anne de France, à la clé de voûte estampillée d’un magnifique A, faisant fonction d’un côté de bureau pour l’avocat et l’assistante sociale, de l’autre de dernière cellule pour les condamnés à mort ; un ancien corps de logis, dont il ne reste que les murs à la suite de l’incendie de 1755, devenu cour de promenade des détenus ; les anciennes caves du château transformées en cachots individuels ou collectifs dès le XVIIIe siècle, et exploités, sous l’occupation allemande, pour incarcérer et torturer les Résistants dans cette ville située, jusqu’en novembre 1942, sur la ligne de démarcation.

Derrière la prison, le château
Ces cachots étaient punitifs, et c’est dans le donjon, aménagé en chauffoirs, que les prisonniers étaient logés. Si leurs graffitis affleurent ici et là sous les enduits, on retrouve l’atmosphère du château dans l’immensité de la chambre d’apparat du deuxième étage, l’imposante poutre en chêne qui soutient le plancher supérieur, l’oratoire attenant, au plafond peint en faux marbre, la garde-robe ou les cheminées murées.

Des fouilles riches en enseignements
La connaissance de l’histoire des bâtiments, aujourd’hui à l’état brut, progresse peu à peu : menées en 2011 dans le corps de logis effondré au XVIIIe siècle, les fouilles ont révélé une annexe de cuisine – sans doute une pâtisserie –, des os de dindes qui attestent de leur consommation à la cour ducale quelques années à peine après que la volaille ait été rapportée d’Amérique, ou encore un système de chauffage par hypocauste permettant un certain confort. Les études du bâti lancées en 2021 – dendrochronologie, sondages dans les peintures murales notamment – permettront de continuer à mieux appréhender les différentes transformations d’un château qui comptait, au faîte de sa splendeur, sept tours en plus du donjon, un grand corps de logis, une chapelle et la toute première galerie Renaissance bâtie en France, sur une vaste emprise qui n’avait rien à envier à bien des châteaux de la Loire.

Alice Tillier-Chevallier
Visites guidées en juillet et août au château des ducs de Bourbon
Place de la Déportation, 03000 Moulins
Tél. 04 70 20 48 47
https://musees.allier.fr/432-chateau-bourbon-allier.htm
À découvrir également : le musée d’art et d’archéologie Anne-de-Beaujeu, sa sculpture bourbonnaise et également l’exposition en cours, « La fabuleuse aventure archéologique du docteur Bailleau »