Le musée de Cleveland acquiert le dernier marbre connu de Giambologna encore en collection particulière

Jean de Bologne, dit Giambologna (1529-1608), Fata Morgana (détail), vers 1572. Marbre, H. 99 cm. Cleveland, Cleveland Museum of Art. Photo service de presse. Courtesy of Gary Kirchenbauer
Célèbre pour ses bronzes, Jean de Bologne, surnommé Giambologna (1529-1608), n’a réalisé qu’une douzaine de sculptures en marbre, d’autant plus précieuses. Le Cleveland Museum of Art vient d’acquérir l’une d’elles, Fata Morgana, dernier marbre connu de l’artiste en mains privées. Il sera exposé à partir du 30 août dans la galerie du musée consacrée à la Renaissance italienne.
Conservée dans une collection particulière européenne depuis 1998, Fata Morgana entre désormais au musée de Cleveland par l’entremise de la galerie londonienne Patricia Wengraf Ltd. Documentée depuis sa création et prêtée à l’occasion d’expositions à Florence, Vienne et Chicago, elle est bien connue des historiens de l’art. « Véritable tour de force, Fata Morgana illustre parfaitement les caractéristiques de forme et de mouvement qui distinguent Giambologna comme l’un des sculpteurs les plus éminents de l’histoire de l’art européen », s’est félicité le musée, qui possède également des bronzes de l’artiste ou de son atelier.
« On ne saurait trop insister sur l’importance de l’acquisition de la Fata Morgana de Giambologna pour l’histoire de l’art que nous pouvons raconter au Cleveland Museum of Art. Nous sommes ravis de partager ce chef-d’œuvre avec notre public. »
William Griswold, directeur et président du Cleveland Museum of Art
Un marbre réapparu en vente publique
C’est précisément Patricia Wengraf qui, lors de son passage en vente chez Christie’s, à Londres, en septembre 1989, attribua l’œuvre à Giambologna, alors qu’elle figurait au catalogue comme « marbre blanc du XVIIIe siècle représentant Vénus ». Elle avait reconnu la sculpture commandée à l’artiste né en Flandre et établi en Italie, au début des années 1570, par Bernardo Vecchietti, banquier et conseiller des Médicis, pour sa villa de Bagno a Ripoli. L’œuvre était destinée au nymphée, probablement conçu par le sculpteur lui-même. Elle avait été vendue à un collectionneur anglais au XVIIIe siècle et était restée depuis en Grande-Bretagne, son iconographie et son attribution s’étant perdues au fil des siècles.

Jean de Bologne, dit Giambologna (1529-1608), Fata Morgana, vers 1572. Marbre, H. 99 cm. Cleveland, Cleveland Museum of Art. Photo service de presse. Courtesy of Gary Kirchenbauer
Le nymphée de Fata Morgana à Bagno a Ripoli
Le nymphée commandé par Vecchietti, toujours visible dans la campagne toscane, était un bâtiment indépendant de la villa. Édifié vers 1572, il abritait une fontaine sans doute installée dans l’Antiquité. En 1584, le poète et critique d’art Raphaël Borghini en donna une description, précisant que le marbre de Giambologna représentait Fata Morgana, la fée Morgane. Cette iconographie était liée à la source qui alimentait la fontaine et aux pouvoirs rajeunissants attribués à la fée dans la légende arthurienne, pouvoirs faisant écho au nom du mécène de Giambologna, Vecchietti – « vieillards en italien ». Elle a donné à Giambologna une nouvelle occasion de représenter, avec le dynamisme et la délicatesse qui caractérisent ses œuvres, l’un de ses sujets favoris : le nu féminin.

Jean de Bologne, dit Giambologna (1529-1608), Fata Morgana (détail), vers 1572. Marbre, H. 99 cm. Cleveland, Cleveland Museum of Art. Photo service de presse. Courtesy of Gary Kirchenbauer
« Au-dessus du bassin qui reçoit l’eau, une très belle femme nue en marbre, réalisée par Jean de Bologne, sort d’une grotte ; une main est posée sur sa poitrine délicate et l’autre soutient un coquillage d’où l’eau monte et retombe dans le bassin, lui donnant l’apparence de vif-argent ; cette belle femme représente la “Fata Morgana” (qui, dans l’Antiquité, a donné son nom à la source). »
Raphaël Borghini
Une tête de Méduse de Giambologna retrouve le nymphée de Fata Morgana
Le 17 juin dernier, les carabiniers italiens ont restitué à la municipalité de Bagno a Ripoli, propriétaire du nymphée de Fata Morgana, une autre œuvre de Giambologna qui faisait partie du décor originel : une tête de Méduse en marbre blanc. Elle en avait été retirée illégalement et avait été retrouvée dans une maison de vente aux enchères de Florence. La municipalité souhaite la replacer dans le nymphée, une fois sa restauration et sa sécurisation achevées.

Jean de Bologne, dit Giambologna (1529-1608), Tête de Méduse, vers 1573. Marbre blanc. © DR





