De mai 2020 à mars 2023, les fouilles du château de Villers-Cotterêts ont accompagné, dans toutes ses phases, le projet de rénovation voulu par le président Macron pour accueillir la Cité internationale de la langue française qui a été inaugurée le 30 octobre dernier. Premier bilan de ce chantier hors norme avec Bénédicte Guillot, responsable des opérations pour l’Inrap.
Propos recueillis par Alice Tillier-Chevallier
Quelles ont été les singularités de ces fouilles ?
Le chantier a d’abord été exceptionnel par son ampleur : alors que les fouilles de châteaux se concentrent habituellement sur une aile ou sur une partie des jardins dans le cadre de travaux ponctuels, nous avons ici, grâce au projet de rénovation intégrale commandé par l’État, fouillé tous les sols et étudié toutes les maçonneries en élévation, soit 1,5 hectare et 23 000 m2 de murs ! Il a aussi été exceptionnel sur le plan des découvertes. L’histoire de ce château, qui a d’abord été propriété des ducs de Valois au XIIe siècle avant de passer aux rois de France en 1213, était mal connue faute d’archives. L’idée générale était que François Ier avait procédé à l’arasement du château qui avait précédé. Or nous avons eu l’immense surprise de retrouver tous les niveaux anciens. Certains sols avaient simplement été remblayés : le pavage glaçuré de deux salles était encore en place, comme le système d’écorcherie (lieu où l’on écorchait les bêtes) installé à la fin du Moyen Âge dans ce château dévolu aux plaisirs de la chasse. Une partie des murs médiévaux – certains jusqu’à 12 mètres de haut ! – avait été conservée dans le logis royal.
Quelle chronologie se dessine, au vu des premiers résultats, pour le Moyen Âge et la Renaissance ?
Le château médiéval a connu trois phases successives. Il s’est d’abord composé, peut-être dès le XIIe siècle, d’une grosse tour-maîtresse circulaire et d’une tour-porte dotée d’un pont-levis enjambant un fossé sec. Dans un deuxième temps, il s’agrandit d’un logis indépendant ; la tour est arasée au profit d’un grand bâtiment rectangulaire qui impose de déplacer le fossé plus à l’est. À la fin du Moyen Âge, le fossé nord est comblé et recreusé plus loin pour permettre la construction d’une nouvelle aile : l’ensemble adopte alors un plan en U. Enfin, à partir de 1532, François Ier transforme profondément le château : il ajoute une quatrième aile qui vient fermer le U, où il installe sa chapelle et qu’il orne d’une belle façade Renaissance. Celle-ci a pour particularité de rompre avec la symétrie si prisée à cette époque : l’entrée, conservée à son emplacement du Moyen Âge, est, de fait, légèrement décentrée à gauche. Les fossés sont comblés et une cour des offices, encadrée par les communs, précède désormais le château. La cour du logis est elle-même aménagée en jeu de paume : c’est là une singularité que l’on ne retrouve nulle part ailleurs.
Entretien à retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 627 (janvier 2024)
Quand l’humanité était plurielle
81 p., 11 €.
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