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Les Étrusques en France, une mise au point archéologique (1/4). Artisanat du luxe à la fin de l’Âge du bronze

Reconstitution d'un quartier du village de Brigue-Glis (Valais) vers 600 avant notre ère.

Reconstitution d'un quartier du village de Brigue-Glis (Valais) vers 600 avant notre ère. © Musées cantonaux du Valais, Sion. Dessin André Huot

La présence étrusque est bien connue en Italie. Mais qu’en est-il de la France ? Situé au carrefour de deux grands itinéraires terrestres et maritimes, entre la péninsule Italique, l’Europe tempérée et le nord-ouest de la Méditerranée, notre territoire est celui qui, en dehors de l’Italie, a livré le plus grand nombre de données sur les relations commerciales, culturelles et politiques avec l’Étrurie entre le VIIIe et le IVe siècle avant notre ère. Qui étaient ces Étrusques ? Quand, pourquoi et selon quelles modalités se sont-ils installés sur le pourtour méditerranéen provençal et languedocien ? De récentes opérations de fouilles livrent aujourd’hui d’importants éléments de réponse.

Vases en bronze du dépôt d’Évans (Jura). Ces productions nord-alpines de la fin de l’Âge du Bronze (XIᵉ-Xᵉ siècle avant notre ère) ont servi de prototypes aux vases métalliques nord-italiques et étrusques villanoviens des IXᵉ-VIIIᵉ siècles avant notre ère.

Vases en bronze du dépôt d’Évans (Jura). Ces productions nord-alpines de la fin de l’Âge du Bronze (XIᵉ-Xᵉ siècle avant notre ère) ont servi de prototypes aux vases métalliques nord-italiques et étrusques villanoviens des IXᵉ-VIIIᵉ siècles avant notre ère. © David Vuillermoz, Musées de Lons-le-Saunier

Dès la fin du deuxième millénaire avant notre ère, des relations d’hospitalité aristocratiques se mettent en place entre les communautés hallstattiennes nord-alpines et les sociétés de l’Italie centrale et septentrionale. Puis, à partir de la fin du VIIe siècle avant notre ère, un circuit maritime très structuré relie les grandes cités de l’Étrurie tyrrhénienne et le Midi de la France. Des communautés étrusques s’installent alors en Provence et dans le Languedoc aux VIe et Ve siècles avant notre ère.

Un réseau d’échanges ancien

L’itinéraire le plus ancien est celui qui, à travers différents cols alpins, relie les grandes axes fluviaux du nord de l’Italie (la vallée du Pô) et le centre de l’Europe (le Danube et le Rhin ; la Saône et la Seine). Fréquenté dès le IIImillénaire avant notre ère, il voit un système d’échanges capillaires complexe se mettre en place à la fin du IImillénaire avant notre ère. Son développement est probablement lié à l’exploitation des ressources minières du massif alpin lui-même – le cuivre et le sel gemme en particulier – et à l’organisation de grandes voies transeuropéennes, comme celle qui permettait d’acheminer l’ambre des rives de la mer Baltique vers la Méditerranée à travers les Alpes orientales et la mer Adriatique. Ces relations à longue distance sont alors contrôlées par de grandes agglomérations protohistoriques de la région de Vérone (comme le centre artisanal et commercial de Frattesina), en relation avec l’Étrurie tyrrhénienne et, par l’intermédiaire de la voie maritime adriatique, avec la Méditerranée orientale vers laquelle sont acheminés les produits occidentaux, comme l’ambre, et reçus en retour les richesses de l’Orient – l’ivoire, le verre ou les productions métallurgiques de Chypre. Dans ce vaste réseau d’échanges de produits de luxe, l’est de la France correspond à l’extension occidentale maximale. Le dépôt d’objets en bronze de Larnaud dans le Jura, daté de la fin du IImillénaire, contient ainsi des objets caractéristiques de l’Italie du Nord (fibules, bracelets, hachettes, lingots de cuivre) mêlés à des produits de la métallurgie locale.

Repères chronologiques

Époque villanovienne : 900-725
Vers 800 : Début du premier Âge du fer au nord des Alpes (époque hallstattienne). 
753 : Date traditionnelle de la fondation de Rome.
Vers 725 : Adoption de l’écriture alphabétique en Étrurie. 

Époque orientalisante : 725-580
Fin du VIIIe siècle : Premières importations étrusques au nord des Alpes.
Seconde moitié du VIIe siècle : Premières navigations grecques et étrusques sur les côtes du Languedoc et de la Provence.
600 : Fondation de Massalia par les Phocéens.
Vers 600 : Fondation de la première ville celtique au nord des Alpes (La Heuneburg). 

Époque archaïque : 580-480
540 : Bataille navale de la mer Sardonienne opposant les Grecs d’Alalia en Corse aux Étrusques et aux Carthaginois.
Vers 540 : Début du rayonnement de Massalia dans le sud de la France.
Début du Vsiècle : Tombe princière de Vix.

Époque classique : 480-323
474 : Bataille navale de Cumes : défaite des Étrusques contre les Grecs de Campanie.
Vers 475 : Abandon du village de la Cougourlude et du comptoir étrusque de Lattes, fondation de l’agglomération indigène côtière de Lattes.
Vsiècle : Apogée de la grande agglomération celtique de Bourges.
Vers 450 : Début du second Âge du fer au nord des Alpes (période laténienne).
Vers 390 : installation des peuples celtes en Italie du Nord et prise de Rome par les Gaulois.

Un transfert de compétences

C’est à partir de cette époque, à la fin de l’Âge du bronze donc, que la plaine du Pô devient un pôle d’attraction pour les artisans métallurgistes. On voit alors apparaître au sud des Alpes des séries de vases en bronze produits localement qui adoptent les techniques, les formes et la décoration élaborées dans les grands ateliers de chaudronniers nord-alpins – ceux de la région du coude du Danube en Hongrie, mais aussi d’autres plus occidentaux, qui ont réalisé certains vases mis au jour dans les dépôts de Blanot en Saône-et-Loire et d’Evans dans le Jura, au Xsiècle avant notre ère, ainsi que ceux de la tombe aristocratique de Saint-Romain-de-Jalionas dans l’Isère, remontant au IXsiècle avant notre ère. La première vaisselle métallique étrusque, datée de l’époque villanovienne (soit des IXe et VIIIsiècles avant notre ère), est directement issue de ce transfert d’artisans depuis les grands centres du nord des Alpes – parmi lesquels ceux de la France de l’Est – vers les villages artisanaux de la plaine orientale du Pô puis vers les villes étrusques en cours de formation sur la côte tyrrhénienne, comme Véies, Tarquinia et Vétulonia. Situle en bronze de la tombe centrale du tumulus Géraud de Saint-Romain-de-Jalionas (Isère), production nord-alpine du IXᵉ siècle avant notre ère. Maison du patrimoine d’Hières-sur-Amby.

Situle en bronze de la tombe centrale du tumulus Géraud de Saint-Romain-de-Jalionas (Isère), production nord-alpine du IXᵉ siècle avant notre ère. Maison du patrimoine d’Hières-sur-Amby. © Alain Gazet (www.gazet.fr)

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Les Étrusques en France, une mise au point archéologique

1/4. Artisanat du luxe à la fin de l’Âge du bronze