À Beauvais, le patrimoine se conjugue à l’art contemporain

Après deux ans de travaux, le Quadrilatère a rouvert ses portes le 5 avril dernier. Cet édifice en béton armé, construit au pied de la cathédrale par ­André Hermant entre 1972 et 1976, avait été conçu pour abriter la Galerie nationale de la Tapisserie imaginée par ­André Malraux. Ses volumes amples permettaient d’exposer de grandes tentures, et en particulier les réalisations de la ­manufacture de Beauvais dont les bâtiments avaient été détruits lors des bombardements allemands de mai-juin 1940. André Hermant, qui œuvra à la reconstruction du Havre auprès d’Auguste Perret, puis à l’aménagement du musée des Antiquités nationales à Saint-Germain-en-Laye, du Petit Palais d’Avignon et du musée Marc-Chagall à Nice, conçut un édifice tout en longueur, ménageant de superbes vues sur le chevet de la cathédrale. La Galerie nationale de la Tapisserie accueillit de nombreuses expositions d’art textile et de mobilier jusqu’à son rachat par la ville de Beauvais en 2013 et sa transformation en centre d’art sous le nom de Quadrilatère. La réhabilitation du bâtiment, confiée à l’agence Chatillon ­Architectes, a remis en valeur son architecture moderniste aux lignes graphiques et épurées, tout en l’adaptant aux nouvelles normes.

Parmi les nouveaux aménagements, un dispositif de passerelles permet dorénavant aux visiteurs d’accéder à la crypte archéologique qui abrite les vestiges des remparts gallo-romains. Cette plongée dans le passé antique de Beauvais se poursuit dans le Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (CIAP) qui retrace la longue histoire de la ville. La scénographie conçue par l’agence Nathalie Crinière met en valeur les transformations urbaines au fil des siècles, les caractéristiques architecturales de Beauvais et naturellement le long chantier de la cathédrale Saint-Pierre.

Dans les galeries d’exposition temporaire, la saison inaugurale « Écrire l’espace » fait dialoguer l’art et l’architecture, en hommage à l’œuvre d’André Hermant. Un accrochage, réalisé à partir de ses livres Formes utiles et Croissance et topologie, présente ses réflexions théoriques sur les structures géométriques dans l’art et la nature. Cet esthétisme se retrouve dans la série photographique commandée à Vincent Villain qui retrace les grandes étapes du chantier de réhabilitation du Quadrilatère.

Vue intérieure du quadrilatère. © photo Frédéric Iovino

Construite à partir de 1225, la cathédrale de Beauvais peut se flatter de posséder le plus haut chœur gothique du monde. Ses voûtes impressionnantes culminent à 48 mètres. Mais, après l’achèvement d’un transept tout aussi grandiose, le chantier fut interrompu. La cathédrale gothique a donc la particularité de ne pas posséder de nef. L’arrêt des travaux a toutefois préservé une partie de la cathédrale antérieure : le bâtiment carolingien qui subsiste au pied de l’immense édifice gothique constitue une autre singularité de ce double monument.

En cette année de célébration des 800 ans de la cathédrale, le retrait des échafaudages installés lors de la restauration des toitures permet d’admirer à nouveau son architecture imposante. La longue campagne de travaux se poursuit à l’intérieur de l’édifice. Elle donne lieu à des opérations spectaculaires pour desserrer et retirer progressivement les énormes poutres et étais posés en 1993 afin de stabiliser la structure. Alors que le mobilier liturgique et les tableaux d’autel viennent de retrouver leur éclat, deux nouvelles tapisseries ont été commandées à la manufacture de Beauvais. Elles seront tissées d’après les cartons de Stéphane Couturier inspirés par les visions de l’Apocalypse. En attendant leur achèvement, un grand programme de concerts et spectacles mettra à l’honneur la cathédrale durant le printemps et l’été. 

Le Quadrilatère au pied de la cathédrale. © photo Frédéric Iovino