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Le calendrier des Très Riches Heures du duc de Berry décrypté mois par mois. Octobre : « Les semailles »

Les frères de Limbourg, vers 1411-1416, et Barthélemy d’Eyck, vers 1446, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 10 v°, le mois d’octobre, « Les semailles » (détail). Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm.

Les frères de Limbourg, vers 1411-1416, et Barthélemy d’Eyck, vers 1446, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 10 v°, le mois d’octobre, « Les semailles » (détail). Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm. © GrandPalaisRmn (Domaine de Chantilly)/Michel Urtado

Réalisées au XVe siècle, les Très Riches Heures du duc de Berry sont sans doute le manuscrit le plus célèbre au monde. Enluminées par les frères de Limbourg, éminents artistes attachés à la cour de Bourgogne puis de Berry, qui ont révolutionné l’histoire de l’art, elles se composent de 121 miniatures qui captivent par leurs représentations de châteaux historiques, de scènes princières et des travaux des champs rythmés par les saisons. À l’occasion de la restauration de ce chef-d’œuvre, montré seulement deux fois au public depuis la fin du XIXe siècle, il est possible d’admirer les 12 folios du calendrier dérelié jusqu’au 5 octobre dans la salle du Jeu de Paume du château de Chantilly. Nous vous proposons aujourd’hui de plonger au cœur du folio 10 v°, « Les semailles », illustrant le mois d’octobre.

Comme au mois de juin, la scène est capturée depuis la rive gauche de la Seine : au premier plan figure ainsi le Séjour de Nesle, un pré traversé de ruisseaux et de haies, situé non loin de l’Hôtel de Nesle où résidait le duc de Berry.

La représentation du Louvre la plus ancienne

Ce point de vue offre une vue imprenable sur le Louvre médiéval, dont cette miniature offre la représentation la plus ancienne, précise et complète. On aperçoit le donjon central, la façade orientale dans l’ombre et la façade méridionale, scandée par deux tours jumelles, au soleil. L’enceinte parallèle à la Seine est alors récente. Raymond du Temple, architecte de Charles V, lui-même frère de Jean de Berry, avait modernisé la vénérable résidence, dotée des superstructures (tourelles, cheminées, toits coniques, souches de cheminées, épis de faitage) annonçant l’épanouissement du style gothique flamboyant.

Les frères de Limbourg, vers 1411-1416, et Barthélemy d’Eyck, vers 1446, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 10 v°, le mois d’octobre, « Les semailles » (détail). Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm.

Les frères de Limbourg, vers 1411-1416, et Barthélemy d’Eyck, vers 1446, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 10 v°, le mois d’octobre, « Les semailles » (détail). Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm. © GrandPalaisRmn (Domaine de Chantilly)/Michel Urtado

Barthélemy d’Eyck creuse son sillon

Le long du fleuve se promènent des passants dont les vêtements, à la mode des années 1440, ont permis d’attribuer la partie inférieure de cette miniature et d’autres interventions du calendrier à Barthélemy d’Eyck. Actif en Provence et en Anjou auprès du roi René, le peintre se distingue par plusieurs traits : ombres portées des personnages, reflets sur l’eau des barques ou des lavandières qui battent leur linge, pupilles placées haut dans les yeux des personnages. Les semailles du premier plan doivent ainsi lui revenir. Sur un dessin préparatoire des frères de Limbourg, Barthélemy d’Eyck a peint un semeur au regard hagard, à droite, dispersant au milieu des sillons le grain qu’il porte dans son tablier. À gauche, un paysan à cheval passe la herse pour recouvrir les grains. Le souci de vérité, qui caractérise l’Ars nova flamande diffusée par l’artiste, est ici poussé à l’extrême, comme en témoigne la pierre qui pèse sur la herse, le crottin laissé par le cheval ou les fils tendus sur lesquels sont accrochées des plumes censées effrayer les pies et corbeaux qui picorent allègrement le grain laissé par le semeur au tout premier plan. L’épouvantail, grimé en tireur à l’arc, a lui aussi été esquissé par les Limbourg.

Les frères de Limbourg, vers 1411-1416, et Barthélemy d’Eyck, vers 1446, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 10 v°, le mois d’octobre, « Les semailles ». Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm.

Les frères de Limbourg, vers 1411-1416, et Barthélemy d’Eyck, vers 1446, Très Riches Heures du duc de Berry, ms. 65, folio 10 v°, le mois d’octobre, « Les semailles ». Chantilly, bibliothèque du musée Condé. 21 x 29 cm. © GrandPalaisRmn (Domaine de Chantilly)/Michel Urtado

« Les Très Riches Heures du duc de Berry » jusqu’au 5 octobre 2025 au Château de Chantilly, Salle du Jeu de Paume, 60500 Chantilly. Tél. : 03 44 27 31 80. chateaudechantilly.fr

Art de l’enluminure n° 93, Éditions Faton, 16 €.