Caen célèbre son millénaire

Face à la mer, sur la jetée d’Ouistreham, une sculpture en pierres de Caen travaillées par Lionel Sabatté laisse transparaître des formes aquatiques, végétales et animales, qui évoquent les perpétuelles métamorphoses de la nature. Ce matériau emblématique a été choisi par l’artiste dans d’anciennes carrières afin de mettre en évidence l’importance des strates géologiques et temporelles. Le Millénaire de Caen invite en effet à redécouvrir la longue histoire de la ville à travers le regard d’artistes contemporains. Une trentaine d’œuvres (dont la grande majorité est destinée à demeurer exposée de manière permanente dans l’espace public) entrent en dialogue avec les monuments emblématiques de la cité normande.

Au sommet de l’imposante forteresse, le parc du château, récemment réaménagé, s’apprête à accueillir une installation d’Olafur Eliasson, qui devrait être inaugurée à l’occasion des Journées européennes du patrimoine. Ce dispositif kaléidoscopique reposant sur les variations lumineuses proposera une expérience immersive de contemplation de la nature. Devant l’Abbaye-aux-Dames, le duo de céramistes Faste a coiffé six vases Médicis de sculptures allégoriques inspirées des ­Métamorphoses d’Ovide, à partir de moules de la manufacture de poterie du Mesnil de Bavent spécialisée dans la production des épis de faîtage. L’artisanat d’art normand est également à l’honneur avec les créations en métal repoussé de Martine Feipel et Jean Bechameil qui s’appuient sur des motifs sculptés du somptueux décor Renaissance de l’hôtel d’Escoville.

Dans le cloître de l’Abbaye-aux-Hommes, le Garçon à la ­poupée de Françoise Pétrovitch rappelle que le monument servit de refuge à des milliers d’habitants lors des bombardements alliés de juin-juillet 1944 qui détruisirent une grande partie de Caen. Quant à l’ancien scriptorium de l’abbaye, il accueille une sélection de quatre-vingts œuvres issues de la collection réunie par Jean Claude Gandur depuis une quarantaine d’années. Cette exposition, conçue comme une préfiguration du musée de la Fondation Gandur pour l’Art, donne un aperçu de la diversité des centres d’intérêt du collectionneur, allant de l’archéologie égyptienne à l’art contemporain. Un bas-relief, provenant vraisemblablement d’une tombe thébaine du Nouvel Empire, y côtoie des toiles de Nicolas de Staël, Simon Hantaï, Michel Basquiat, Erró, Pierre Soulages, mais aussi une accumulation d’Arman, un « tableau-piège » de Spoerri ou encore un « tableau-éclaté » de Niki de Saint Phalle. Les arts décoratifs français du XVIII^e siècle sont également bien représentés, avec notamment une exceptionnelle table de toilette en marqueterie de paille dont le décor évoquant l’Amérique avait été conçu pour le marquis de La Fayette. Le foisonnement de l’exposition donne ainsi un avant-goût du futur musée dont l’ouverture est annoncée pour 2030.

La tour de Saint-Pierre de Caen surplombe les remparts de la cité médiévale. © Martin de l’Isle