En novembre 2025, la photographie est à l’honneur dans la capitale

Luc Delahaye (né en 1962), Récolte, 2016. Tirage chromogène numérique. À voir dans l'exposition « Luc Delahaye. Le bruit du monde » au Jeu de Paume. Photo service de presse. © Courtesy Luc Delahaye et Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles
La 28e édition de Paris Photo au Grand Palais s’accompagne d’un florissant bouquet d’expositions dans les musées et galeries de la capitale. De l’Américain Edward Weston au photoreporter français Luc Delahaye, en passant par Denise Bellon, enfin tirée de l’oubli, voici nos recommandations.
Edward Weston, la volupté de l’épure
La Maison européenne de la photographie (MEP) rend hommage au photographe américain Edward Weston, à travers une exposition-événement, la première en France depuis 30 ans. Riche d’une centaine de tirages d’époque, le parcours illustre l’évolution de ce pionnier de la photographie moderne.
Les formes naturelles passionnaient Edward Weston (1886-1958). Nus, paysages et jusqu’aux légumes les plus ordinaires (des poivrons !) devenaient des sujets fascinants, chargés d’une beauté sculpturale qu’il s’ingéniait à révéler. Figure majeure de la photographie américaine, ce maître du noir et blanc n’avait pas été mis à l’honneur depuis la rétrospective organisée en 1995 à l’Hôtel de Sully à Paris. Il est par ailleurs peu présent dans les collections publiques françaises. Raison supplémentaire de se précipiter à la MEP, qui illustre les étapes de son cheminement esthétique sur trois décennies, à travers plus de cent tirages d’époque issus du Wilson Centre for Photography de Londres. Fondé par le producteur de cinéma Michael Wilson, ce centre conserve de rarissimes tirages du XIXe siècle et du début du XXe siècle, ce qui permet de présenter, aux côtés des photographies de Weston, des travaux de ceux qui l’influencèrent (du pictorialiste Edward Steichen au moderniste Alfred Stieglitz), et de replacer ainsi son œuvre dans un contexte plus large et particulièrement dynamique : celui de la photographie américaine de la première moitié du XXe siècle.

Edward Weston (1886-1958), Tina Modotti (Nude in Studio), 1922. Photo service de presse. © Center for Creative Photography, Arizona Board of Regents / Edward Weston, Adagp, Paris, 2025. Courtesy Gregg Wilson
Le tournant des années 1920
Le jeune Weston grandit dans la région de Chicago et s’enthousiasme très tôt pour la photographie. En 1903, encore adolescent, il expose ses premières images et à 25 ans, ouvre son propre studio en Californie, spécialisé dans les portraits. Ses débuts sont marqués par le style pictorialiste, reconnaissable à ses effets flous d’inspiration picturale. Puis à l’orée des années 1920, Weston s’oriente vers de nouvelles recherches, en partie marquées par celles d’Alfred Stieglitz (immense photographe et fondateur de la revue Camera Work), rencontré à la faveur d’un voyage à New York. Son regard s’aiguise : ses images gagnent en netteté, ses compositions, en rigueur et en géométrie.
« Voir la chose en elle-même est essentiel : la quintessence révélée directement, sans le brouillard de l’impressionnisme », expliquera des années plus tard Weston. Ce basculement est illustré par la confrontation de deux photographies, prises à seulement un an d’intervalle : M on the Black Horsehair Sofa (1921), où le modèle adopte une pose alanguie, dans une mise en scène élaborée et artificielle, et Nude in Studio (1922), un nu sans chichi de Tina Modotti, assise une cigarette à la main, dans un décor dépouillé à l’extrême.
« La forme réduite à son essence »
Weston va rester fidèle tout au long de sa carrière à cette seconde veine : la « straight photography » (« photographie pure »), dont il explore les possibilités infinies, avec toujours, cette même quête : représenter le monde qui l’entoure avec honnêteté et précision, en refusant tout recadrage ou manipulation. Plusieurs étapes, bien documentées dans l’exposition, jalonnent son parcours : son installation dans l’effervescente Mexico au milieu des années 1920 avec sa compagne Tina Modotti, avec qui il partage un studio et une profonde complicité artistique, son retour en Californie en 1928, où les paysages deviennent l’objet d’une exploration inlassable, ou encore sa co-fondation en 1932 du groupe f/64, collectif de photographes de la côte ouest défendant une même approche de la photographie. « Ce que je recherche maintenant, c’est la simplicité, la forme réduite à son essence », explique-t-il. Et en effet : qu’il photographie un coupe-œuf, un tronc noueux, les courbes de coquillages ou celles d’un corps de femme (Charis, Santa Monica [Nude in doorway]), 1936, l’un de ses chefs-d’œuvre), ses cadrages resserrés, son attention aux lignes ondoyantes et son usage de la lumière transforment chacun de ses sujets en vision sensuelle et inattendue.
« Edward Weston. Modernité révélée », jusqu’au 25 janvier 2026 à la Maison européenne de la photographie, 5/7 rue de Fourcy, 75004 Paris. Tél. 01 44 78 75 00. www.mep-fr.org
Catalogue, Morel Books, édition bilingue, 148 p., 40 €.
Et aussi à la MEP : Lumineux Tyler Mitchell
Couleurs rayonnantes, mises en scène minutieuses et portraits de groupe dialoguant avec la peinture classique : bienvenue dans l’univers de Tyler Mitchell, jeune photographe noir américain (30 ans à peine) issu de l’univers de la mode, dont la MEP dévoile pour la première fois en France les explorations artistiques.

Tyler Mitchell (né en 1995), New Horizons II, 2022. Photo service de presse. © Tyler Mitchell / Courtesy de l’artiste et Gagosian
« Tyler Mitchell — Wish This Was Real », jusqu’au 25 janvier 2026. www.mep-fr.org
Catalogue, éditions EXB pour la version française, 272 p., 65 €.
L’état du monde selon Luc Delahaye
Grand photoreporter de guerre dans les années 1990, membre de l’agence Magnum, Luc Delahaye (né en 1962 à Tours) rompt en 2001 avec la presse et le format traditionnel de la page de magazine, pour explorer une nouvelle forme : celle du tableau photographique. À l’aide d’un appareil panoramique, il réalise des images en couleurs de grandes dimensions, offrant une vision plus large et détaillée, mais aussi plus distante de ses sujets, toujours liés à l’actualité internationale et aux conflits meurtriers qui secouent la planète. Une approche troublante, qui oscille entre pratique documentaire et dimension artistique, à découvrir au musée du Jeu de Paume. Son directeur Quentin Bajac, spécialiste de l’histoire de la photographie et commissaire de cette exposition, a réuni une quarantaine de grands formats réalisés ces 25 dernières années par Luc Delahaye, dont certains inédits.

Luc Delahaye (né en 1962), Taxi, 2016. Tirage chromogène numérique. Photo service de presse. © Courtesy Luc Delahaye et Galerie Nathalie Obadia, Paris / Bruxelles
« Luc Delahaye. Le bruit du monde », jusqu’au 4 janvier 2026 au Jeu de Paume, 1 place de la Concorde, Jardin des Tuileries, 75001 Paris. Tél. 01 47 03 12 50. www.jeudepaume.org
Catalogue, coédition Jeu de Paume / Photo Élysée / Steidl, 256 p., 55 €.
La révélation Denise Bellon
L’œuvre féconde de la talentueuse Denise Bellon (1902-1999) sort de l’oubli grâce au musée d’art et d’histoire du Judaïsme, qui dévoile près de 300 photographies et objets documentant la carrière de cette photographe humaniste éprise de liberté, pionnière du photojournalisme et compagne de route de la première heure des surréalistes – André Breton lui confia de 1938 à 1965 la couverture des expositions surréalistes. Cadrages audacieux, sens de la composition, faculté à saisir une scène du quotidien, une atmosphère, un détail insolite… La modernité et la beauté graphique de ses images en noir et blanc font mouche.

Denise Bellon (1902-1999), Corposano, Esplanade du Trocadéro, Paris, 1939. Tirage d’époque. Photo service de presse. © Denis Bellon / akg-images
« Denise Bellon, un regard vagabond », jusqu’au 8 mars 2026 au musée d’art et d’histoire du Judaïsme, Hôtel de Saint-Aignan, 71 rue du Temple, 75003 Paris.
Tél. 01 53 01 86 65. www.mahj.org
Catalogue, coédition mahJ / delpire & co, 240 p., 42 €.
Denise Colomb : un regard intime sur les artistes
Au cours des années 1950 et 1960, Denise Colomb (1901-2004) est partie à la rencontre de nombreux artistes modernes (Nicolas de Staël, Picasso, Giacometti, Max Ernst…), cherchant à rendre compte de leur personnalité et du mystère de la création, dans l’intimité de leur atelier. Ses portraits sensibles, toujours élégants, sont dévoilés au château du Val Fleury (Gif-sur-Yvette), qui retrace la carrière de cette Française proche de photographes humanistes comme Édouard Boubat, et présente des images tendres et inédites tirées du fonds familial.

Denise Colomb (1902-2004), Autoportrait, 1967. Fonds familial Denise Colomb. Photo service de presse © Donation Denise Colomb, ministère de la Culture, Médiathèque du patrimoine et de la photographie, diffusion Grand Palais RMN Photo 2025
« Denise Colomb. Portraits intimes », jusqu’au 14 décembre 2025 au château du Val Fleury, 5 allée du Val Fleury, 91190 Gif-sur-Yvette. www.ville-gif.fr
Arrêt sur le mouvement
Vol d’un pélican, athlète sautant à la perche, cavalier au galop… Ces instantanés décomposant la mécanique précise et splendide du mouvement humain ou animal ont fait la célébrité d’Étienne-Jules Marey (1878-1904). Le musée d’histoire de la Médecine revient sur le rôle pionnier de ce médecin de formation qui se passionna, dans le sillage de l’Américain Muybridge, pour la locomotion, et consacra sa vie à l’étudier, en utilisant une technique alors en plein essor : la photographie. On suit Marey dans ses multiples expériences pour parvenir à figer ce que l’œil humain ne pouvait voir, grâce à son invention du fusil photographique et surtout à sa mise au point de la « chronophotographie », procédé qui joua un rôle crucial dans l’élaboration du cinématographe et la naissance du cinéma.

Laboratoire d’Étienne-Jules Marey. Course rapide. Chronophotographie sur bande mobile : aristotype à partir d’un négatif sur film celluloïd, 1895. Photo service de presse. © BU STAPS – Université Paris Cité
« Étienne-Jules Marey : chronophotographie, sciences et arts », du 6 novembre 2025 au 18 février 2026 au musée d’histoire de la Médecine, Université Paris Cité, 12 rue de l’École de Médecine, 75006 Paris. www.u-paris.fr
Catalogue, Université Paris Cité éditions, 144 p., 20 €. Cette exposition fait partie du festival PhotoSaintGermain.
La 28e édition de Paris Photo en chiffres
220 exposants
42 éditeurs
47 galeries françaises
33 pays représentés
1 461 artistes
39 % de femmes artistes (contre 20 % en 2018)

Shirana Shahbazi (née en 1974), Falling_07 (pink), 2024. Photo service de presse. © Courtesy of the artist & Galerie Peter Kilchmann
« Paris Photo », du 13 au 16 novembre 2025 au Grand Palais. www.parisphoto.com
Et aussi :

Gaston Paris, Le corps de ballet de l’Opéra de Paris dans un escalier de l’Opéra Garnier, Paris, vers 1937-1938. Photo service de presse. © Gaston Paris / Roger-Viollet
Le Festival PhotoSaintGermain, du 6 au 30 novembre 2025. www.photosaintgermain.com
« Gaston Paris. L’équilibre du carré », jusqu’au 17 janvier 2026 à la galerie Roger-Viollet, 6 rue de Seine, 75006 Paris. www.galerie-roger-viollet.fr
« Bénin aller-retour. Regards sur le Dahomey de 1930 », jusqu’au 14 juin 2026 au musée départemental Albert-Kahn, 2 rue du port, 92100 Boulogne-Billancourt. albert-kahn.hauts-de-seine.fr





