les monographies essentielles de l’histoire de l’art

La renaissance du musée national de Norvège

 De nuit, la façade du Light Hall du musée déploie en front de mer ses 130 mètres de lumière. Photo B. Høstland
De nuit, la façade du Light Hall du musée déploie en front de mer ses 130 mètres de lumière. Photo B. Høstland

Grands prêteurs de l’exposition Munch qui vient d’ouvrir ses portes à Orsay, les musées d’Oslo sont en pleine mutation. Après le musée Munch qui a rouvert fin 2021, c’est au tour du musée national (Nasjonalmuseet) de se moderniser. Visite du nouveau bâtiment, inauguré en juin dernier, qui abrite désormais le plus grand musée de Scandinavie.

Le 11 juin dernier, le nouveau musée national ouvrait ses portes. Avec ses 54 600 m² et les 400 000 œuvres de ses collections, il peut se flatter d’être le plus grand musée scandinave. Il a élu domicile sur le port d’Oslo, dans un tout nouveau bâtiment conçu par l’architecte Klaus Schuwerk, de l’agence Kleihues + Schuwerk. Les murs massifs recouverts d’ardoises norvégiennes qui abritent les collections permanentes sont surmontés d’un dernier étage vitré, le Light Hall, qui constitue un lumineux espace d’exposition. Ce nouveau bâtiment matérialise la réunion de quatre institutions muséales majeures d’Oslo, qui avait été décidée en 2003-2005. Le regroupement de la galerie nationale des Beaux-Arts (Nasjonalgalleriet), du musée d’Architecture (Arkitekturmuseet), du musée des Arts décoratifs (Kunstindustrimuseet) et du musée d’Art contemporain (Museet for samtidskunst) a permis de constituer les plus vastes collections d’art de Norvège. L’ensemble compte aussi une riche bibliothèque d’histoire de l’art, la plus importante du pays. Le parcours permanent s’étend sur quatre-vingt-six salles et présente 6 500 œuvres. Il offre un large panorama de l’art européen, de l’Antiquité à nos jours.

Vitrines de mobilier et de porcelaines dans les salles dévolues aux arts décoratifs. © Photo I. Baan
Vitrines de mobilier et de porcelaines dans les salles dévolues aux arts décoratifs. © Photo I. Baan

Une histoire des arts décoratifs européens

Le rez-de-chaussée est consacré aux collections d’arts décoratifs qui sont présentées de manière à la fois chronologique et thématique. Elles retracent l’évolution des formes du mobilier du Moyen Âge à nos jours, tout en mettant en scène certains aspects comme la mode de la porcelaine, le goût pour l’exotisme… Les objets entrent en dialogue avec des œuvres contemporaines qui constituent autant de regards portés sur les créations des siècles passés. Les industries nordiques sont mises à l’honneur, par exemple le savoir-faire des maîtres verriers de Nøstetangen. Une section est spécialement consacrée à la création contemporaine scandinave dans des domaines aussi divers que la céramique, l’orfèvrerie ou encore la joaillerie. La richesse des collections de textiles et de mode, dont les plus anciennes pièces sont des tissus de l’Égypte antique, est bien évidemment mise en valeur. De nombreux costumes montrent l’évolution de la mode au fil des siècles… jusqu’à des robes récemment portées par la reine Sonja. Sans oublier l’un des chefs-d’œuvre du musée, la tapisserie de Baldishol, qui tire son nom de l’église où elle fut découverte. Cette œuvre rarissime, probablement tissée vers 1180-1190, a conservé toute la fraîcheur de ses couleurs éclatantes, destinées à produire un effet de scintillement. Il s’agit d’un fragment (mesurant tout de même une longueur de deux mètres) d’une tapisserie de haute lisse qui représente les mois de l’année : l’homme entouré d’oiseaux symbolise par exemple le mois d’avril, le cavalier en armure le mois de mai. L’un des autres trésors du musée est un ensemble exceptionnel d’icônes, présenté dans une salle spécialement aménagée, qui regroupe principalement des œuvres de l’école de Novgorod aux XVe et XVIe siècles.

La tapisserie de Baldishol, datée vers 1180-90, fleuron des collections. © Photo F. Larsen
La tapisserie de Baldishol, datée vers 1180-90, fleuron des collections. © Photo F. Larsen

Cranach, Greco, Van Gogh… et Munch

À l’étage, le parcours des collections s’étend de la peinture du XVIe siècle à nos jours. Pour la première fois dans l’histoire du musée, l’art contemporain à partir de 1960 bénéficie d’une présentation permanente (l’ancien musée d’Art contemporain organisait uniquement des expositions temporaires). De Lucas Cranach et Artemisia Gentileschi à Van Gogh et Picasso, les grands noms de l’art européen sont représentés. Les impressionnistes sont à l’honneur. Il faut dire que la Nasjonalgalleriet fut en 1890 le premier musée officiel étranger à acquérir une toile de Monet, Pluie à Étretat. La donation de Christian Langaard, qui compte entre autres chefs-d’œuvre le Saint Pierre repentant du Greco, bénéficie d’une salle à part. Le musée met naturellement en valeur la peinture norvégienne du XIXe siècle. L’artiste le plus célèbre est bien évidemment Munch et son œuvre célébrissime Le Cri. Le musée offre pourtant un panorama bien plus vaste de la création artistique nordique, où se distingue notamment le mouvement dit du « romantisme national », qui s’épanouit dans la première moitié du XIXe siècle avec les superbes toiles de Johan Christian Dahl et de Thomas Fearnley.

Domínikos Theotokópoulos, dit El Greco, Saint Pierre repentant, dit aussi Les Larmes de saint Pierre, vers 1590. Huile sur toile, 102,4 x 79,5 cm. © Photo B. Høstland
Domínikos Theotokópoulos dit « Le Greco » (1541-1614), Saint Pierre repentant, dit aussi Les Larmes de saint Pierre, vers 1590. Huile sur toile, 102,4 x 79,5 cm. © Photo B. Høstland

Au tournant du XIXe et du XXe siècle : les lumières du Nord

Le nouvel accrochage accorde une belle place au plus connu des peintres norvégiens. Il faut dire que le musée national conserve l’une des plus importantes collections de tableaux d’Edvard Munch et possède les premières versions de tous les grands motifs qui jalonnent son œuvre. Comme dans l’ancienne Nasjonalgalleriet, le nouveau musée consacre une salle entière (la salle 60) à Munch. Une vingtaine de ses toiles sont réunies autour du célèbre Cri ; on y voit des tableaux majeurs comme Madone, La Danse de la vie, Jeunes filles sur le pont, L’Enfant malade, Le Lendemain, Puberté, Cendres, La Mort dans la chambre de la malade, ainsi qu’un portrait de sa sœur, Inger Munch. Certains tableaux de ce dernier sont toutefois accrochés dans d’autres salles auprès des œuvres de ses contemporains, et notamment de ses compatriotes. Une pièce dédiée à la représentation des émotions dans l’art entre 1885 et 1920 confronte ainsi le travail de Munch avec les toiles d’Harald Sohlberg et les sculptures de Gustav Vigeland. L’art scandinave du tournant du XIXe et du XXe siècle est très bien représenté dans les collections. La peinture de paysage connaît alors un grand succès, notamment sous les pinceaux de Frits Thaulow. Des artistes comme Kitty Kielland, Eilif Peterssen et L. A. Ring cherchent à retranscrire tous les effets atmosphériques et les nuances de la lumière nordique. Une salle entière est consacrée à Harriet Backer, artiste majeure reconnue pour la virtuosité de ses coloris. À la même époque se développe le courant naturaliste. Comme Ibsen dans ses écrits, Christian Krohg et Erik Werenskiold attirèrent l’attention sur les problématiques sociales par leurs tableaux qui firent scandale, comme l’Albertine de Krohg. Ces années sont également marquées par le renouveau de l’art de la sculpture. Gustav Vigeland, le grand sculpteur norvégien, est bien évidemment à l’honneur, mais aussi l’une des rares sculptrices de cette époque, Menga Schjelderup-Ebbe.

Toutes les illustrations de cet article sont © Nasjonalmuseet (musée national de Norvège)

Mathilde Dillmann


Le musée est ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 21h.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur www.nasjonalmuseet.no

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