
Le musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris ne cesse d’enrichir ses collections fin-de-siècle, qui ont notamment pour intérêt d’entrer en résonance avec l’histoire du Petit Palais, construit pour l’Exposition universelle de 1900. Alors que l’exposition Edvard Munch (1863-1944) ouvre ses portes au musée d’Orsay, retour sur les importantes acquisitions et donations faites tout récemment en ce domaine.
Un grand tableau d’Edgar Maxence
Portées par le succès d’expositions comme « Fernand Khnopff (1858-1921). Le maître de l’énigme » à l’hiver 2018-2019, les collections de peinture du tournant du XIXe et du XXe siècle font la renommée du Petit Palais qui continue à les enrichir régulièrement. Le musée a acquis par préemption en vente publique en décembre 2020 un tableau d’Edgar Maxence (1871-1954), Jeune femme jouant de la mandore ou Solitude, qui avait été présenté au Salon de 1910. Le choix d’un sous-titre anglais, Peaceful Seclusion, atteste l’anglophilie de l’artiste, partagée par beaucoup de ses contemporains comme Khnopff. Son admiration pour Rossetti et Burne-Jones transparaît dans le choix et le traitement du sujet, inspiré par l’univers féerique médiéval. Maxence, originaire de Nantes, s’intéresse aux légendes celtes et arthuriennes et au folklore breton, mais se garde bien de toute référence à une source précise. La jeune femme qu’il représente n’est ni Viviane ni Mélusine, et en est d’autant plus mystérieuse. Le goût du peintre pour un art précieux et énigmatique qui suscite la contemplation et la méditation se retrouve jusque dans le cadre sculpté de style Renaissance, qu’il a lui-même créé afin de renforcer le caractère mystique de son œuvre. Ce tableau d’un grand raffinement est actuellement en cours de restauration.

Côté sculpture
Le considérable fonds de sculpture de la même époque a été récemment complété par deux œuvres importantes. Acquise en décembre dernier, une rare version en bronze de L’Emprise de Fix-Masseau (1869- 1937) est désormais exposée dans la salle 19 au rez-de-chaussée du musée et comble une lacune dans la collection. Il s’agit du chef-d’œuvre de ce sculpteur qui s’inscrivait dans la lignée de Jean Carriès – dont le Petit Palais compte un remarquable ensemble. Si le musée conservait déjà deux bustes réalisés par Fix-Masseau (Femme au ruban, caractéristique de son goût pour de gracieux portraits féminins, et Eugène Dutuit, commandé par la Ville de Paris), il ne possédait aucune œuvre témoignant de la veine « étrange » et sombre qui fit sa réputation. Plus récemment, en avril dernier, le Petit Palais a acquis un Grotesque de Ville Vallgren (1855- 1940), sculpteur d’origine finlandaise qui obtint la nationalité française en 1902. Cette figure hybride, déformée et noueuse, date de 1892, année au cours de laquelle Vallgren participa au premier Salon de la Rose-Croix à la galerie Durand-Ruel. Elle est très représentative de la production symboliste et tourmentée de l’artiste. L’œuvre témoigne aussi de la qualité de sa technique et du soin qu’il attachait à la réalisation de la patine. L’entrée de ce sculpteur dans les collections du Petit Palais correspond à une volonté de l’institution de s’ouvrir aux créations européennes, dans la lignée des expositions d’art nordique proposées ces dernières années.
Pierre Félix Fix-Masseau (1869-1937), L’Emprise, 1894-1900. Bronze, fonte Siot-Decauville, H. 80 ; L. 40 ; P. 30 cm. Ville Vallgren (1855-1940), Grotesque, 1892. Bronze à patine brune, H. 20 cm. Œuvre mise aux enchères et vendue chez Artcurial. © Artcurial
La donation Petiet
Le Petit Palais conservait déjà de nombreuses œuvres léguées par le célèbre marchand et éditeur Ambroise Vollard et ses héritiers. Cette importante collection a encore été enrichie par le don de soixante et une pièces par les descendants d’Henri Marie Petiet, lors de la préparation de l’exposition « Édition limitée. Vollard, Petiet et l’estampe de maîtres » (été 2021). Après le décès de Vollard en 1939, Petiet, lui aussi marchand et éditeur, racheta l’essentiel de son stock d’œuvres et s’imposa comme son successeur sur le marché des estampes. De remarquables aquatintes de Georges Rouault pour Les Fleurs du mal de Baudelaire témoignent ainsi de l’activité éditoriale de Vollard… poursuivie par Petiet, lequel continua à éditer des artistes qui avaient travaillé avec Vollard, comme Aristide Maillol, André Dunoyer de Segonzac ou encore André Derain.
Georges Rouault (1871-1958), Nu de profil, planche pour Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire, 1936-38. Aquatinte, épreuve de décomposition des couleurs, 45 x 34 cm Photo © Paris Musées, Petit Palais, dist. RMN / image Ville de Paris © adagp, Paris 2022 Georges Rouault (1871-1958), Femme fière, planche pour Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire, 1936-38. Aquatinte, épreuve de décomposition des couleurs, 44,4 x 34 cm Photo © Paris Musées, Petit Palais, dist. RMN / image Ville de Paris © adagp, Paris 2022
Mathilde Dillmann

À retrouver dans :
Dossiers de l’Art n° 301
Edvard Munch « un poème de vie, d’amour et de mort »
82 p., 9,90 €.
À commander sur : www.dossiers-art.com
Petit Palais – musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Avenue Winston Churchill, 75008 Paris
Tél. 01 53 43 40 00
www.petitpalais.paris.fr