Des femmes, des hommes et des fleurs : un autre visage de l’Afghanistan s’expose à Grasse

Oriane Zérah, Deux enfants, Khost, Afghanistan, 2023. © Oriane Zérah
Le musée Fragonard de Grasse convie deux femmes photographes afin de dévoiler des facettes méconnues de l’Afghanistan. Au fil d’une quarantaine de clichés aussi puissants que lumineux, c’est un dialogue riche de sens qui s’instaure entre l’Afghane en exil, Fatimah Hossaini, et la Française installée à Kaboul, Oriane Zérah. Il révèle, au-delà des guerres et des interdits, un peuple amoureux des fleurs et des couleurs.
Ces deux artistes ont chacune leur propre parcours de vie et leur approche esthétique singulière, elles n’ont jamais travaillé ensemble et pourtant, le dialogue imaginé par la commissaire d’exposition Charlotte Urbain s’impose comme une évidence. En entremêlant leurs photographies, le musée de Grasse réussit l’impossible : « les hommes afghans peuvent ici offrir des fleurs aux femmes afghanes dévoilées sans que nul ne soit inquiété ». Cette exposition à la fois séduisante et émouvante nous invite à parcourir un pays tout en contrastes où se côtoient, non sans heurts, une mosaïque d’ethnies, de langues, de cultures et de religions variées.
« Loin des images habituelles de poussière et de misère, ses fleurs, fil rouge du projet évoquent la poésie, pierre angulaire de la culture afghane. »
Charlotte Urbain
Femmes dévoilées…
« Il y a quelques années, les femmes étudiaient, travaillaient, construisaient l’avenir ; aujourd’hui les talibans les privent d’éducation, de travail, de soin, et jusqu’au droit le plus élémentaire, celui de parler », se désole l’écrivaine et diplomate afghane Chékéba Hachemi, cofondatrice de l’association Stand speak rise up ! qui lutte contre le viol comme arme de guerre. Mais Fatimah Hossaini a su capturer la beauté de femmes qui refusent de disparaître. Elle a mis en scène amies, sœurs et comédiennes avec leur regard fier et leurs costumes colorés.

Fatimah Hossaini (née en 1993), Jeune femme coiffée d’un chapeau Topak, Kaboul, Afghanistan, 2020. © Fatimah Hossaini
Fatimah Hossaini, une Afghane en exil
Née à Téhéran en 1993, Fatimah Hossaini est issue d’une famille afghane de l’ethnie Hazara, persécutée par les talibans et Daesh. En quête de ses racines, elle s’était installée à Kaboul en 2015 et avait immortalisé des femmes qui osaient vêtir leurs tenues traditionnelles chamarrées à la place de la burqa. Contrainte de fuir le pays au retour des talibans, en août 2021, elle vit désormais en exil aux États-Unis.

Fatimah Hossaini (née en 1993), Tahmeena, originaire du Badakhshan, montagnes de Zahak, Bayman, Afghanistan, 2018. © Fatimah Hossaini
… et hommes en fleurs
L’Afghanistan d’Oriane Zérah pourrait se résumer au titre du livre de photographies qu’elle a publié en 2023 : Des roses sous les épines. C’est en parcourant le pays qu’elle a pris la mesure de la passion que les Afghans nourrissent pour les fleurs. Ses clichés semblent incongrus à notre regard occidental, mais les hommes portent volontiers des fleurs sur leur pakol (chapeau traditionnel). Ses images empreintes d’humanité nous questionnent ; pourtant, comme elle le résume très justement, « le rapport à la nature et à la beauté est essentiel dans un lieu où la violence et l’horreur font partie du quotidien ».

Oriane Zérah, Mael, Jeune homme Tadjik, Parwan, Afghanistan, 2020. © Oriane Zérah
Oriane Zérah, une Française à Kaboul
Infatigable voyageuse, Oriane Zérah vit par intermittence à Kaboul depuis 2011. Consciente du statut particulier et privilégié que lui offre son passeport, elle s’attache à saisir une autre réalité de ce pays dont elle est tombée amoureuse, pour en montrer les contrastes et les incohérences. « Les hommes que je croise dans la rue ne refusent jamais de prendre la pose », confie cette femme libre et indépendante qui incarne tout ce que les talibans rejettent…

Oriane Zérah, Les Frères fleurs, Khost, Afghanistan, 2022. Décorer de fleurs son pakol est une habitude très ancrée dans la région conservatrice de Khost, à la lisière du Pakistan. © Oriane Zérah
« Femmes dévoilées et hommes en fleurs, un autre visage de l’Afghanistan », jusqu’au 12 octobre 2025, au musée Jean-Honoré Fragonard, 14 rue Jean Ossola, 06130 Grasse. Tél. 04 93 36 02 07. musee-jean-honore-fragonard.com
Catalogue de l’exposition, co-édition Images plurielles / Fragonard, 25 €.







