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L’œil averti de Calouste Gulbenkian mis à l’honneur à l’hôtel de la Marine

Hubert Robert (1733-1808), Le Tapis vert, vers 1775-1777. Huile sur toile, 67 x 102 cm. Lisbonne, Fondation Calouste Gulbenkian – musée Calouste Gulbenkian.

Hubert Robert (1733-1808), Le Tapis vert, vers 1775-1777. Huile sur toile, 67 x 102 cm. Lisbonne, Fondation Calouste Gulbenkian – musée Calouste Gulbenkian. Photo service de presse. © Catarina Gomes Ferreira

Grâce à un accord passé avec le Centre des monuments nationaux, la collection Al Thani est en mesure de présenter ses œuvres à l’hôtel de la Marine, mais aussi d’inviter des institutions partenaires à faire de même lors d’expositions temporaires. Cette année, dans le cadre de la Saison France-Portugal, c’est le musée Calouste Gulbenkian de Lisbonne qui est mis à l’honneur.

Son fondateur éponyme a en effet réuni au début du XXe siècle une collection d’une rare qualité, qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler la collection Al Thani elle-même dans son approche et dans sa conception. Reflet de la curiosité inextinguible de Calouste Gulbenkian, cette collection couvre près de 5 000 ans d’histoire de l’art, de l’Égypte ancienne à Jean Dunand. Si ses bornes chronologiques et géographiques sont très larges et les œuvres qui la composent extrêmement diverses, elle n’en demeure pas moins cohérente. Gulbenkian était en effet un collectionneur méthodique et passionné, qui sut rassembler des objets précieux et rares, aux provenances souvent prestigieuses et qui témoignent de savoir-faire exceptionnels. Un régal pour les yeux !

Une alliance de savoir-faire

Dès l’enfance, Gulbenkian s’est passionné pour l’art français et tout particulièrement pour les arts décoratifs du XVIIIe siècle. Ce pot-pourri est typique de la production de la puissante corporation des marchands merciers. Véritables initiateurs des modes au siècle des Lumières, ces hommes qui n’avaient pas le droit de fabriquer mais seulement d’embellir les objets passent maîtres dans l’art de faire se rencontrer Orient et Occident. La somptueuse glaçure de ce vase en porcelaine de Chine est ainsi mise en valeur par le travail virtuose du bronze doré, attribué au bronzier Jacques Caffieri.

Pot-pourri, Chine, dynastie Qing, période Qianlong (1736-1795) ; monture attribuée à Jacques Caffieri (1678-1755), vers 1750-1755. Porcelaine à glaçure rouge de Chine cuivré, bronze doré, 41,4 x 26 cm. Lisbonne, Fondation Calouste Gulbenkian – musée Calouste Gulbenkian.

Pot-pourri, Chine, dynastie Qing, période Qianlong (1736-1795) ; monture attribuée à Jacques Caffieri (1678-1755), vers 1750-1755. Porcelaine à glaçure rouge de Chine cuivré, bronze doré, 41,4 x 26 cm. Lisbonne, Fondation Calouste Gulbenkian – musée Calouste Gulbenkian. Photo service de presse. © Catarina Gomes Ferreira

Exubérante joaillerie

Inventeur du bijou moderne, René Lalique fait l’admiration de Calouste Gulbenkian, qu’il rencontre au milieu des années 1890 et qui lui achètera près de 200 pièces au cours de sa vie. Ce diadème reflète la créativité sans limites du joaillier. Très inspiré par la flore et la faune, Lalique développe un bestiaire original. Au choix audacieux du motif du coq s’ajoute l’introduction de matériaux jusque-là peu ou pas employés en joaillerie comme la corne ou l’émail, dont les tons bleus et verts iridescents sont caractéristiques du travail de l’artiste. Présenté lors de l’Exposition universelle de 1900 à Paris, ce diadème consacre la réputation de Lalique.

René Lalique (1860-1945), Diadème coq, vers 1897-1898. Or, corne, améthyste, émail, 9 x 15 cm. Lisbonne, Fondation Calouste Gulbenkian – musée Calouste Gulbenkian.

René Lalique (1860-1945), Diadème coq, vers 1897-1898. Or, corne, améthyste, émail, 9 x 15 cm. Lisbonne, Fondation Calouste Gulbenkian – musée Calouste Gulbenkian. Photo service de presse. © Catarina Gomes Ferreira

« Dès l’enfance, Gulbenkian s’est passionné pour l’art français et tout particulièrement pour les arts décoratifs du XVIIIe siècle. »

Un bibliophile passionné

Grand bibliophile, Gulbenkian possède des ouvrages d’une très grande qualité (manuscrits médiévaux et Renaissance). Ce luxueux livre d’heures a appartenu à Isabelle de Bretagne, petite-fille du roi Charles VI, ici représentée en prière. Sorti de l’atelier du Maître de Bedford, l’ouvrage est orné de 32 miniatures en pleine page, entourées d’illustrations secondaires. Dans les marges se déploie une délicate décoration florale peuplée de personnages, de monstres, d’anges musiciens, etc.

Atelier du Maître de Bedford (Haincelin de Haguenau ?), Heures d’Isabelle de Bretagne ou Heures de Lamoignon, Paris, vers 1415-1416. Manuscrit sur parchemin, 26 x 18,6 cm. Lisbonne, Fondation Calouste Gulbenkian – musée Calouste Gulbenkian.

Atelier du Maître de Bedford (Haincelin de Haguenau ?), Heures d’Isabelle de Bretagne ou Heures de Lamoignon, Paris, vers 1415-1416. Manuscrit sur parchemin, 26 x 18,6 cm. Lisbonne, Fondation Calouste Gulbenkian – musée Calouste Gulbenkian. Photo service de presse. © Catarina Gomes Ferreira

Une commande royale

Ce tableau et son pendant, Le Bosquet des Bains d’Apollon, commandés par le roi, représentent la rénovation des jardins de Versailles ordonnée par Louis XVI juste après son accession au trône en 1774. Le vaste ciel nuageux et l’arbre brisé au centre de la composition confèrent à la scène une ambiance dramatique, tandis qu’une atmosphère bucolique se dégage des saynètes du premier plan. On y reconnaît le couple royal, venu superviser le chantier. Hubert Robert crée ainsi un habile parallèle entre l’ordonnancement des jardins et la bonne administration du royaume tout entier.

Hubert Robert (1733-1808), Le Tapis vert, vers 1775-1777. Huile sur toile, 67 x 102 cm. Lisbonne, Fondation Calouste Gulbenkian – musée Calouste Gulbenkian.

Hubert Robert (1733-1808), Le Tapis vert, vers 1775-1777. Huile sur toile, 67 x 102 cm. Lisbonne, Fondation Calouste Gulbenkian – musée Calouste Gulbenkian. Photo service de presse. © Catarina Gomes Ferreira

Un ensemble exceptionnel

Gulbenkian possède 11 médaillons découverts à Aboukir en 1902. Frappés au IIIe siècle, ils constituent une exception dans sa collection numismatique uniquement composée de pièces grecques allant de l’époque archaïque à la période hellénistique. Sur l’avers, on peut voir le profil d’Alexandre le Grand (336-323 avant notre ère). Sur ce portrait posthume et idéalisé, on distingue dans les boucles de ses cheveux une corne de bélier, caractéristique du dieu égyptien Amon et symbole de la déification d’Alexandre. Ce dernier apparaît également au revers du médaillon, accompagné de Bucéphale et de deux guerriers.

Médaillon romain d’Aboukir, Empire romain d’Orient, IIIᵉ siècle. Or, D. 5,5 cm. Lisbonne, Fondation Calouste Gulbenkian – musée Calouste Gulbenkian.

Médaillon romain d’Aboukir, Empire romain d’Orient, IIIᵉ siècle. Or, D. 5,5 cm. Lisbonne, Fondation Calouste Gulbenkian – musée Calouste Gulbenkian. Photo service de presse. © Catarina Gomes Ferreira

« Gulbenkian par lui-même : dans l’intimité d’un collectionneur », du 10 juin au 2 octobre 2022 à l’hôtel de la Marine, 2 place de la Concorde, 75008 Paris. www.hotel-de-la-marine.paris

Catalogue, éditions du patrimoine, 336 p., 42 €.