Adjugé ! Record pour Canaletto, Louis Finson plébiscité, la nature morte au sommet

Jan Davidsz. de Heem (1606-1684), Nature morte aux nombreux objets (détail). Huile sur toile, 75,3 x 112,7 cm. Signé et daté 1649. Vente Londres, Christie’s, 1ᵉʳ juillet 2025. Estimé : 3/5 M£. Adjugé : 3 670 000 £ (4 254 392 € frais inclus). © Christie's Images Ltd 2025
Quelles sont les plus belles adjudications de la saison estivale dans l’univers de la peinture ancienne ? D’Albrecht Bouts à Canaletto, en passant par Jan Davidsz. de Heem et Gérard Dou, découvrez les maîtres anciens qui ont enflammé les enchères.
Le Christ de douleur
Ce panneau est le volet droit d’un diptyque qui représentait une Vierge de douleur (aujourd’hui conservée au musée des Beaux-Arts de Tours). Ces deux panneaux, issus de la collection de Dona Aldonza de Tolède avant son mariage en 1533, furent séparés entre 1914 et 1952. La tête du Christ se détache sur un fond d’or, tout comme la Vierge de Tours. Le Christ de douleur est l’illustration du livre d’Isaïe : « Objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance ». Albrecht Bouts était le second fils de Dirk Bouts, mentionné pour la première fois à Louvain en 1473 ; son art est moins figé que celui de son père. Il fut sans doute influencé par Hugo van der Goes avec qui il travailla avant de s’installer à Louvain. Ses œuvres remportèrent beaucoup de succès de son vivant.

Attribué à Albrecht Bouts (1451-1549), Le Christ de douleur. Huile sur bois avec cachet de collection, 37,4 x 28,5 cm. Vente Paris Drouot, Ader, 18 juin 2025. Expert : Cabinet Turquin. Estimé : 60 000/80 000 €. Adjugé : 403 000 € (frais inclus). © Drouot / Ader
Louis Finson plébiscité
Datant de la période napolitaine de l’artiste, ce tableau est une découverte, bien que d’autres versions de sa main existent. Né à Bruges, Finson se rendit en Italie vers 1600 et il fut l’un des premiers peintres flamands à s’inspirer directement de Caravage, notamment de sa période napolitaine (Finson étant documenté à Naples avant 1612). Par la violence expressive de sa peinture, Caravage dépassa ses contemporains, ce qui influença Finson. Il se rendit à Rome en 1613 et voyagea en France, notamment à Toulouse en 1614 puis à Paris, avant de s’installer définitivement à Amsterdam en 1616. Saint Sébastien, représenté ici dans un clair-obscur caravagesque, fut le troisième patron de Rome, puis il fut évoqué à la Renaissance criblé de flèches. Il est également le patron des armuriers et on l’invoque contre la peste et l’épilepsie.

Louis Finson (1580-1617), Saint Sébastien. Huile sur toile, 147,5 x 114,5 cm. Signée et datée. Vente Paris Drouot, Ader, 18 juin 2025. Expert : Cabinet Turquin. Estimé : 40 000/60 000 € Adjugé : 416 000 € (frais inclus) © Drouot / Ader
L’art de la nature morte au sommet
Voici l’une des plus somptueuses natures mortes de Jan Davidsz. de Heem, connue depuis le XVIIIe siècle et qui, outre sa qualité exceptionnelle, est dans un rare état de conservation. Cette peinture reprend des thèmes récurrents chez l’artiste comme l’illustre un ensemble de tableaux exposés dans les plus grands musées du monde. On retrouve ainsi la tourte, les pièces d’orfèvrerie, le plat chinois Wan-Li, le verre (roemer) reflétant la flèche d’une cathédrale. La pièce d’orfèvrerie placée à droite est sans doute une invention du peintre car une telle œuvre n’a apparemment jamais existé. L’ampleur et la magnificence de cette superbe composition démontrent le talent d’un artiste entre Flandres et Hollande, dont le style se situe entre décoration et vanité, chacun de ces objets possédant bien évidemment un sens caché.

Jan Davidsz. de Heem (1606-1684), Nature morte aux nombreux objets. Huile sur toile, 75,3 x 112,7 cm. Signé et daté 1649. Vente Londres, Christie’s, 1ᵉʳ juillet 2025. Estimé : 3/5 M£. Adjugé : 3 670 000 £ (4 254 392 € frais inclus). © Christie’s Images Ltd 2025
Minutieuse scène d’intérieur
Ayant fait partie des collections royales de Bavière au XVIIe siècle, ce tableau illustre parfaitement la technique de Gérard Dou qui a toujours bénéficié des faveurs des collectionneurs grâce à la minutie et à l’exceptionnel souci du détail dont il fit preuve. Il n’eut de cesse de représenter les tâches de la vie quotidienne, à l’image de cette femme peignant les cheveux d’un jeune garçon. D’après Roemer Visscher, négociant et intellectuel néerlandais qui s’illustra dans l’art de l’emblème, le peigne a pour rôle de « nettoyer » et d’« embellir » (sans doute pour éliminer les poux). La scène principale dévoile de nombreux objets de la vie de tous les jours, tandis qu’au second plan, un garçon gonfle une vessie de porc. Gérard Dou fut le fondateur de l’école de Leyde, les Fijnschilders (peintres précieux). L’artiste compta parmi sa clientèle Charles Ier d’Angleterre et la reine Christine de Suède.

Gérard Dou (1613-1675), Scène d’intérieur avec une vieille femme épouillant un jeune garçon. Huile sur bois, 37,3 x 30,2 cm. Signé. Vente Londres, Christie’s, 1ᵉʳ juillet 2025. Estimé : 1/1,5 M£. Adjugé : 2 097 000 £ (2 430 916 € frais inclus). © Christie’s Images Ltd 2025
Nouveau record pour Canaletto
Acquis avec son pendant, entre 1730 et 1731, par le fils de Robert Walpole, afin de décorer Woburn Abbey, cette vue de Venise le jour de l’Ascension a été à deux reprises seulement sous le feu des enchères, en 1751 et en 1993. De tels tableaux était très demandés par les collectionneurs britanniques, comme en témoigne celui-ci, peint dans les années 1730, à l’époque où Canaletto était à son apogée. Le Bucentaure était la galère officielle du doge de Venise et le symbole de la Sérénissime. Le jour de l’Ascension, le doge jetait un anneau dans l’eau afin de matérialiser le mariage de Venise avec la mer. La manière du peintre dévoile des accents de couleurs vives, selon une technique précise quoique très spontanée. Il est prouvé que Canaletto utilisa la « camera obscura » pour camper au mieux la ville de Venise.

Giovanni Antonio Canal dit Canaletto (1697-1768), Venise, le retour du Bucentaure, le jour de l’Ascension. Huile sur toile, 86 x 138,1 cm. Vente Londres, Christie’s, 1ᵉʳ juillet 2025. Estimation non communiquée. Adjugé : 31 935 000 £ (37 020 170 € frais inclus). © Christie’s Images Ltd
Titien portraitiste
Les portraits de Titien (officiels et privés) représentent un tiers de son œuvre. Aujourd’hui, ils sont recherchés en raison de la sensibilité dont ils témoignent, Titien excellant dans l’art de surprendre ses modèles dans leur fragile vérité. Datant sans doute des années 1540-1550, ce portrait d’homme fut découvert en 1976 où il apparut pour la première fois aux enchères, mais l’identité du personnage demeure inconnue. On remarquera l’aisance discrète de cet homme ainsi que sa pose raffinée. Des détails retiennent l’attention, tels que la dentelle fine aux poignets ou la manière dont le modèle tient son mouchoir avec des mains très élégantes. Son regard aigu se porte vers un sujet non décrit dans le tableau. À l’arrière-plan, un bateau fait certainement référence à son activité ou à la source de sa fortune.

Tiziano Vecellio, dit Titien (1485/1490-1576), Portrait d’un noble, assis devant une fenêtre. Huile sur toile, 120,3 x 97,2 cm. Signé. Vente Londres, Christie’s, 1ᵉʳ juillet 2025. Estimé : 3/5 M£. Adjugé : 3 428 000 £ (3 973 858 € frais inclus). © Christie’s Images Ltd 2025





