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Monaco s’offre un été impérial : Grimaldi/Bonaparte, un air de famille ?

Louis-Jacques Vaillant (cadran) et Claude Galle (boîtier de l’horloge), vase décoré d’un cadran, d’un oiseau chanteur mécanique et de scènes mécaniques de Vulcain dans son atelier et Neptune dans sa grotte (détail), vers 1805. Bronze doré, plumes peintes, laiton, émail, 82 х 11 х 11 cm.

Louis-Jacques Vaillant (cadran) et Claude Galle (boîtier de l’horloge), vase décoré d’un cadran, d’un oiseau chanteur mécanique et de scènes mécaniques de Vulcain dans son atelier et Neptune dans sa grotte (détail), vers 1805. Bronze doré, plumes peintes, laiton, émail, 82 х 11 х 11 cm. Photo service de presse. © Musée Collection des Arts – David et Mikhail Iakobachvili

Jusqu’à la fin du mois d’août, Monaco célèbre les Napoléon(s) autour d’une exposition qui tente de retisser les liens entre les familles Bonaparte et Grimaldi. S’il semble excessif de parler de « destins croisés », le prétexte suffit à admirer des œuvres rarement vues, dont une série spectaculaire de tabatières en or prêtées par le collectionneur et mécène David Iakobachvili.

Feu le musée Napoléon

À peine plus de dix ans après la dispersion chez Osenat du merveilleux musée Napoléon, qui faisait la fierté de la principauté, cette exposition ressemble à un mea culpa ou tout du moins à une prise de conscience tardive : l’Empire avait bien sa place à Monaco, et la retrouve le temps d’un été. S’enorgueillir d’avoir réuni tant de prêteurs sans parvenir à rassembler le quart de la collection du prince Louis II (1870-1949) peut sembler cocasse. Adieu la layette du roi de Rome et les chaussons brodés par la veuve Minette, adieu les pistolets en ivoire d’Eugène de Beauharnais, l’étendard du roi Jérôme, adieu le drapeau mythique des grenadiers de l’île d’Elbe et la flûte en cristal du roi de Hollande… Mais après tout, il y a prescription, et la Fondation Napoléon – peu rancunière – a joué le jeu, prenant une large part dans l’élaboration du projet.

Tabatière en or de Maximilien Iᵉʳ offerte par Napoléon III et Eugénie.

Tabatière en or de Maximilien Iᵉʳ offerte par Napoléon III et Eugénie. Photo service de presse. © Musée Collection des Arts – David et Mikhail Iakobachvili

Une brève histoire de la principauté

Par une loi étrange et implacable, qui semble en ce pays condamner les Louis aux passions napoléoniennes, c’est Louis Ducruet, neveu du prince régnant, qui serait à l’initiative de cette exposition. Dans ce cas, il s’agit moins d’exorciser le sort des Bourbons que de retisser le fil, parfois ténu, qui lie les Grimaldi aux Bonaparte, de l’entrevue de Golfe-Juan, entre Honoré V – de retour sur ses terres – et Napoléon Ier – sur le retour –, au mariage d’Albert Ier avec la petite-fille de Stéphanie de Beauharnais, Mary Victoria Hamilton. On s’arrête au passage sur l’épisode paradoxal auquel le Rocher doit sa survie : le traité signé en 1861 entre le prince Charles et Napoléon, troisièmes du nom, accordant à Monaco la souveraineté en échange de Menton et Roquebrune. Ce vaste panorama, qui nous mène du bicorne de Bonaparte au phonographe d’Albert Ier, a le mérite de présenter une tout aussi vaste sélection d’objets, parfois rarement visibles, qu’il s’agisse des trésors de la collection Iakobachvili ou des dernières reliques conservées au palais. Le musée national de Monaco est aussi mis à contribution, avec un très beau buste en marbre à l’effigie de l’Empereur, sculpté par l’enfant du pays, François-Joseph Bosio.

Martin-Guillaume Biennais (1764-1843), coffret de voyage offert par Napoléon Iᵉʳ à Stéphanie de Beauharnais pour son mariage avec le prince de Bade. Argent doré, bronze doré, cuivre, porcelaine, cristal taillé, écaille, ivoire, acajou, 18,5 x 57 x 40 cm. Monaco, collection du Palais princier de Monaco.

Martin-Guillaume Biennais (1764-1843), coffret de voyage offert par Napoléon Iᵉʳ à Stéphanie de Beauharnais pour son mariage avec le prince de Bade. Argent doré, bronze doré, cuivre, porcelaine, cristal taillé, écaille, ivoire, acajou, 18,5 x 57 x 40 cm. Monaco, collection du Palais princier de Monaco. Photo service de presse. © Cl. Geoffroy Moufflet – A.P.M

La collection Iakobachvili et la Fondation Napoléon en duo

Si les amateurs de mobilier ou de peinture risquent d’être déçus – quoique la Fondation Napoléon prête un intéressant tableau d’Auguste Raffet (1804-1860) représentant Bonaparte en Italie –, les amateurs de babioles précieuses seront en revanche ravis : l’homme d’affaire d’origine géorgienne David Iakobachvili et son fils Mikhail déploient pour l’occasion une partie de leur spectaculaire ensemble de tabatières et autres objets de vertu en or, parés de miniatures, de perles, d’émail, et de diamants quand cela est nécessaire. Parfois éloignés de notre sujet, ces objets reflètent tout de même le raffinement absolu de la société de cour à cette époque, aussi troublée soit-elle. Pas question non plus de bouder son plaisir devant la grande vitrine d’orfèvrerie qui réunit quelques curiosités de la même collection, dont un somptueux plat à caviar de Biennais, présenté avec quelques fleurons de la Fondation Napoléon : bol à punch, service à thé et café du même orfèvre, mais cette fois, détail de taille, ornés des armes de Joséphine. Particulièrement généreuse, la Fondation a également envoyé à Monaco un autre genre de bijou : le serre-papier de l’impératrice en forme de bouclier antique, parsemé d’aigles et d’abeilles, soutenu par des lions couchés, tous de bronze doré.

Martin-Guillaume Biennais (1764-1843), serre-papiers de l’Impératrice Joséphine, 1810. Bois sculpté, ébène, bronze doré, 58 x 52,5 x 45,5 cm. Fondation Napoléon.

Martin-Guillaume Biennais (1764-1843), serre-papiers de l’Impératrice Joséphine, 1810. Bois sculpté, ébène, bronze doré, 58 x 52,5 x 45,5 cm. Fondation Napoléon. Photo service de presse. © Fondation Napoléon / Patrice Maurin Berthier

Un diadème pour Joséphine ?

Puisque Joséphine retient notre attention, il convient de signaler un étrange diadème, en provenance de la Villa Masséna. Cette parure archaïsante, retrouvée à la Belle Époque chez un antiquaire orléanais, aurait été offerte par Joachim Murat à sa future belle-sœur. La légende veut qu’elle l’ait arborée le soir du 3 janvier 1798, lors d’une soirée donnée par Talleyrand sous les ors de l’hôtel de Galliffet. Immense camée monté en or, gravé de riches médaillons historiés à la romaine, il avait tapé dans l’œil de la romanesque duchesse d’Abrantès, qui en ferait mention dans ses Mémoires.

Anonyme, diadème, début du XIXᵉ siècle. Coquillage, nacre, or, perles, pierres de couleurs, 6,7 x 17 x 20 cm. Nice, Villa Masséna.

Anonyme, diadème, début du XIXᵉ siècle. Coquillage, nacre, or, perles, pierres de couleurs, 6,7 x 17 x 20 cm. Nice, Villa Masséna. © DR

Du Premier au Second Empire, l’époque Charles III

Sans transition – excepté l’attachement de la nouvelle impératrice, Eugénie, pour la Riviera – l’exposition s’attarde sur le Second Empire et la frénésie qui agite alors la principauté, dynamisée par la naissance d’un tourisme chic. Charles III est à l’honneur, et avec lui son grand projet : l’invention de Monte-Carlo. Pour la circonstance, le Palais a sorti les décorations du prince – parfaitement présentées dans un coffre à tiroirs conçu tout exprès –, sa vaisselle – en tout point conforme au goût monégasque –, et son portrait en pied peint par Karl Wilhelm Bauerle (1831-1912), pour lequel il pose en pantalon rose fuchsia (assorti au cristal de son service) devant une mer bleu roi.

Karl Wilhelm Bauerle (1831-1912), Portrait en pied du prince Charles III, 1868. Huile sur toile, 240 x 161 cm. Marchais, château de Marchais, collection du Palais princier de Monaco.

Karl Wilhelm Bauerle (1831-1912), Portrait en pied du prince Charles III, 1868. Huile sur toile, 240 x 161 cm. Marchais, château de Marchais, collection du Palais princier de Monaco. Photo service de presse. © Cl. Geoffroy Moufflet – A.P.M

« Monaco et les Napoléon(s), destins croisés », jusqu’au 31 août 2025 au Grimaldi Forum, 10 avenue Princesse Grace, 98000 Monaco. Tél. 377 99 99 3000. www.grimaldiforum.com

À lire :
Catalogue, Silvana Editoriale, 208 p., 35 €.
18th-Century Snuffboxes, The David & Mikhail Iakobchvili Collection, édité par Haydn Williams, 2024, 456 p., 125 £.