Le musée Condé présente ses feuilles de l’artiste, entourées d’importants prêts illustrant la diversité et la poésie de son œuvre graphique.
En 2011 et 2012, deux expositions internationales ont été consacrées à Claude Gellée dit Le Lorrain (vers 1600-1682). Dans l’une, qui s’est tenue au Louvre puis au musée Teyler de Haarlem (Pays-Bas), ces institutions présentaient notamment un ensemble de dessins provenant de leurs collections respectives. L’autre, à l’Ashmoleum Museum d’Oxford (Grande-Bretagne) puis au Städel Museum de Francfort (Allemagne), montrait la plus grande sélection d’estampes du peintre jamais réunie. À ces deux occasions, le public a découvert avec émerveillement les œuvres sur papier d’un artiste qu’il connaissait surtout pour ses peintures – pastorales, scènes religieuses ou mythologiques prenant place dans un paysage – baignées de la lumière douce de l’aube ou dorée du couchant.
La deuxième collection de France
C’est dire l’importance, plus de dix ans après, de l’exposition par le musée Condé de l’ensemble de ses feuilles de Claude Gellée, le plus important en France après celui du Louvre, accompagné de dessins et eaux-fortes provenant d’autres institutions et de collections particulières. En achetant la collection de Frédéric Reiset en 1861, le duc d’Aumale devenait propriétaire de seize dessins alors donnés à Claude Lorrain et un qui lui était attribué. Mais c’est en 1866 qu’il choisissait expressément des œuvres de Claude à la vente, à Londres, de la collection du révérend Henry Wellesley : il acquit alors Port de mer au soleil couchant (vers 1635-1640), Bénédiction des chevaux derrière l’église Santa Maria Maggiore (vers 1635-1640), Étude d’arbres (vers 1640) et Paysage avec un troupeau de vaches traversant un gué (1670). Il se rendait également propriétaire d’un exemplaire de la célèbre estampe Le Bouvier (1636), dont dérive Paysage avec un troupeau de vaches traversant un gué.
Peindre « al naturale » et « dal naturale »
Port de mer au soleil couchant est une étude préparatoire au tableau du même nom de 1639 (musée du Louvre). Dans le catalogue de l’exposition, Lisa Beaven précise que Claude a pu s’inspirer de décors de théâtre et d’éclairages de scène. Elle raconte que pour la représentation, en 1639, de Chi soffre speri, une comédie musicale sur un texte du futur pape Clément IX, le « saisissant coucher de soleil » fut « considéré comme le clou du spectacle ». Selon son biographe du XVIIe siècle, Filippo Baldinucci, l’artiste peignait « al naturale », c’est-à-dire suivant ce qu’il avait vu, et aussi « dal naturale » (sur le motif). Ce dessin confirme qu’il faisait appel à ce qu’il avait observé pour élaborer les scènes qui nous paraissent les plus oniriques. Lorsqu’il se rendait sur le motif, Claude se concentrait souvent sur les arbres, comme en témoigne l’étude du duc d’Aumale. Il n’est pas sûr que ce beau lavis ait été peint entièrement en extérieur, en tout cas pour ce qui concerne les personnages que l’artiste ajoutait ensuite en atelier, selon Lisa Beaven. Cependant, la scène, comme saisie sur le vif, charme par sa grande liberté d’exécution et la puissance de suggestion qui émane d’un lointain de collines écrasées de soleil d’où semblent provenir les voyageurs.
Une technique luxuriante
Dessiné des années plus tard, Paysage avec un troupeau de vaches traversant un gué est peut-être le ricordo (réplique de l’une de ses œuvres que l’artiste réalisait pour en garder une trace) du tableau Paysage pastoral (1670). Selon Baptiste Roelly, commissaire de l’exposition, il se démarque « par la luxuriance de sa technique ». Avec les autres acquisitions du duc d’Aumale, il témoigne de la diversité de l’œuvre dessiné de Claude Gellée dont le maître de Chantilly a recherché les témoignages en connaisseur.
Élisabeth Santacreu
À lire :
Catalogue sous la direction de Baptiste Roelly
Claude Lorrain. Dessins et eaux-fortes – Les Carnets de Chantilly
240 p., 24 €.
À commander sur : www.faton-beaux-livres.fr
« Claude Lorrain. Dessins et eaux-fortes »
Jusqu’au 19 mai 2024 au cabinet d’arts graphiques du musée Condé
Château de Chantilly, 60500 Chantilly
Tél. 03 44 27 31 80
www.musee-conde.fr